The Associated Press, 3 décembre – L’Iran est peut-être plus sensible à la pression de la communauté internationale qu’il ne le paraît. Il aurait ainsi arrêté son programme nucléaire militaire à l’automne 2003, bien qu’il continue d’enrichir de l’uranium et puisse donc toujours être capable de développer une arme d’ici 2010 à 2015, ont affirmé lundi de hauts responsables du renseignement américain.
« La décision de Téhéran d’arrêter son programme militaire nucléaire suggère que (le régime) est moins déterminé à développer des armes nucléaires que nous ne le pensions depuis 2005 », estime un responsable dans la note non classée secret défense qui accompagne un rapport secret et a été rendue publique lundi.
En 2005, le renseignement américain pensait que l’Iran était déterminé à développer une capacité nucléaire et poursuivait son programme d’armement nucléaire. C’est pourquoi, selon les mêmes responsables du renseignement, la note a été exceptionnellement rendue publique car l’évaluation de 2005 avait eu une influence sur le débat public aux Etats-Unis.
« Ce sont de bonnes nouvelles dans la mesure où la politique américaine combinée aux politiques et aux actions de ceux qui sont nos partenaires semblent avoir eu du succès. L’Iran paraît avoir ressenti la pression », analyse l’un des hauts responsables.
Toutefois, « nous ne pouvons pas nous relâcher. Nous devons maintenir ces pressions », écrit-il dans un nouveau rapport d’Evaluation du renseignement national (National Intelligence Estimates, NIE), issu des informations des 16 centrales de renseignement du pays.
La note est révélée au moment où les six grandes puissances participant aux négociations sur le nucléaire iranien -France, Royaume-Uni, Allemagne, Etats-Unis, Russie et Chine- discutent d’une troisième résolution renforçant les sanctions prises contre l’Iran pour l’amener à suspendre ses activités nucléaires suspectes, et surtout l’enrichissement d’uranium.
Selon une source diplomatique française, les Six n’ont pas de « divergence de fond » sur l’analyse de la situation, et devraient s’entendre sur un projet de résolution à soumettre dans les prochaines semaines au Conseil de sécurité des Nations unies. Si la Russie reste réticente aux sanctions, la Chine, qui est également un important partenaire commercial de Téhéran, semble avoir assoupli sa position, soulignait-on de sources diplomatiques française et américaine.
Pour le conseiller à la sécurité nationale de George Bush, Stephen Hadley, la possibilité que Téhéran se dote de l’arme nucléaire reste « un grave problème », mais la note de lundi suggère selon lui que le président américain « suit la bonne stratégie: une pression internationale accrue en même temps que la volonté de négocier une solution qui serve les intérêts iraniens, tout en s’assurant que le monde n’aura jamais à faire face un Iran doté de l’armement nucléaire ».
« Pour que la stratégie réussisse, la communauté internationale doit accentuer la pression sur l’Iran par l’isolement diplomatique et d’autres pressions financières, et l’Iran doit décider qu’il veut négocier une solution », a prévenu M. Hadley.
Malgré la suspension du programme militaire, Téhéran risque de rester difficile à dissuader de renoncer à développer une bombe nucléaire car le régime islamique y voit le moyen de s’imposer dans la région, souligne la NIE.
Pour développer une arme nucléaire, l’Iran a besoin d’une ogive, d’une certaine quantité de matière fissile et d’un vecteur tel qu’un missile, or le renseignement américain estimait à la mi-2007 que l’Iran a cessé la mise au point de l’ogive il y a quatre ans.
Cependant, la poursuite de l’enrichissement d’uranium à un taux très faible pour des réacteurs civils peut lui permettre de détourner cette matière vers des sites nucléaires clandestins et de produire suffisamment d’uranium enrichi à plus de 95% pour fabriquer une bombe. A terme, selon la NIE, l’Iran a la capacité technique et industrielle de fabriquer une bombe « s’il décide de le faire ». AP