AFP : Par Christophe SCHMIDT – Si l’Iran est proche de maîtriser la bombe nucléaire, le régime de Téhéran cultive l’ambiguïté sur ses intentions réelles en la matière, jugent officiels et spécialistes américains.
Dimanche, Leon Panetta, patron de la CIA, a assuré que l’Iran disposait de suffisamment d’uranium faiblement enrichi pour fabriquer deux bombes nucléaires.
Il faudra un an pour mettre au point la bombe, et un de plus pour développer le moyen de la lancer, a détaillé le chef des renseignements américains, irritant Téhéran qui a dénoncé une manoeuvre de « guerre psychologique », quelques semaines après l’adoption de nouvelles sanctions contre l’Iran à l’ONU.
« Deux ans, cela me paraît même beaucoup », réagit pour l’AFP Sharon Squassoni, une experte du Centre d’études stratégiques et internationales (CSIS).
David Albright, directeur de l’institut ISIS, évoque lui un délai d’un an seulement, « si le nucléaire devait devenir une priorité » pour l’Iran.
D’après Sharon Squassoni, M. Panetta « fonde son estimation sur le volume accumulé d’uranium faiblement enrichi. Or l’Iran dispose à coup sûr, aujourd’hui, de suffisamment d’uranium faiblement enrichi, environ 1.800 kilos ».
La chercheuse note cependant que la République islamique « rencontre quelques difficultés » avec les centrifugeuses, « plus de 8.000 » qu’elle a mis en place, et qui ne sont pas toutes opérationnelles.
L’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA) a établi que la République islamique avait travaillé à une bombe jusqu’en 2003, rappelle David Albright dans un entretien à l’AFP.
Mais en 2007, la précédente administration américaine de George W. Bush avait estimé, dans un document d’évaluation, que l’Iran avait ensuite abandonné cet effort.
La version révisée de cette étude officielle, en cours d’achèvement, pourrait conclure de façon plus nuancée que l’Iran conduit des recherches nucléaires militaires sans véritablement tenter de produire une bombe.
C’est ce que prédit le blog spécialisé Declassified, sur le site de l’hebdomadaire Newsweek, en évoquant de nouveaux renseignements qu’aurait pu apporter aux Etats-Unis Shahram Amiri, un physicien nucléaire iranien qui a disparu en juin 2009 en Arabie saoudite.
M. Panetta a ainsi évoqué dimanche un « débat interne » en Iran sur l’opportunité ou non de développer une bombe.
Selon Alireza Nader, de l’institut RAND, « le programme nucléaire est devenu en Iran une question d’importance nationale, une question idéologique ». Face aux difficultés du régime, notamment économiques, « il peut apparaître comme un dérivatif, une marque de succès », en particulier parmi les ultra-conservateurs du président Mahmoud Ahmadinejad.
D’après Sharon Squassoni, « personne ne sait si l’Iran a pris la décision » de construire la bombe, et cette « ambiguïté est dans leur intérêt ».
La République islamique dément officiellement toute ambition nucléaire militaire. Mais elle laisse, en particulier, planer le doute sur l’existence ou la construction d’une usine d’enrichissement souterraine, et donc protégée d’éventuels bombardements.
David Albright estime que l’Iran ne possède pas encore un tel équipement, et qu’il ne se lancera pas dans la construction d’une bombe avant de l’avoir.
De toute façon, mettre au point un lanceur fiable va prendre du temps, insiste-t-il. C’est pourquoi « la question de savoir quand ils ont repris leurs efforts est si importante ».