FIDH: Nous vous écrivons pour vous faire part de notre profonde inquiétude concernant la situation des Iraniens vivant au Camp dAchraf, en Irak. De fait, la responsabilité de la protection dAchraf a été transférée par les Etats-Unis au gouvernement irakien le 1 janvier 2009. Depuis, les autorités iraniennes et irakiennes ont multiplié les déclarations qui font craindre que ces personnes puissent être expulsées vers un autre pays, en violation flagrante des droits humains internationaux et du droit humanitaire.
Le 17 juin 2008, le conseil des ministres irakiens a adopté une directive soulignant que les membres de lorganisation des Moudjahidine du peuple dIran (OMPI) seront expulsés dIrak. Le 21 décembre 2008, le gouvernement irakien a annoncé quil avait lintention de fermer le Camp dAchraf. Le 1er janvier 2009, lAgence France Presse AFP citait votre déclaration disant que « [lOMPI] est une organisation terroriste et ne peut donc pas opérer en Irak ( ) Nous leur donnerons lopportunité soit de retourner chez eux, soit vers un autre pays ( ) [Rester en] Irak ne sera pas une alternative pour eux ». A la fin janvier, le conseiller irakien à la sécurité nationale Mowafaq al-Robai aurait déclaré que « le seul choix proposé aux membres de ce groupe est de retourner en Iran ou de choisir un autre pays ».
Le 28 février 2009, layatollah Ali Khamenei a exhorté le Président Jalal Talabani à expulser lOMPI dIrak : «Nous attendons lapplication de notre accord concernant lexpulsion des hypocrites », aurait-il dit. De plus, depuis hier, selon des informations de presse, les forces de sécurité irakiennes encerclent le Camp dAchraf pour empêcher les gens dentrer ou de sortir du camp.
Les membres de lOMPI vivant à Achraf sont des « personnes protégées » en vertu de la Quatrième Convention de Genève et ne peuvent par conséquent être expulsés dIrak. Ils ne peuvent être déportés, expulses ou rapatriés en Iran de force, en violation du principe de non-refoulement, qui lie tous les Etats en tant que principe de droit international coutumier. La convention de lONU contre la torture interdit également les Etats partie prenante d expulser, de retourner ("refouler") ou dextrader une personne vers un autre Etat où il y a des raisons substantielle de croire quelle sera en danger dêtre soumise à la torture (Article 3).Bien que votre gouvernement nait pas encore ratifié ce traité central des droits de lhomme, cette disposition engage lIrak comme une partie du droit coutumier international. De plus, le gouvernement irakien doit assurer laccès à la nourriture et à des soins médicaux ceux qui vivent dans le camp.
Par conséquent, nous vous appelons à prendre en considération comme il se doit nos observations. La situation actuelle des droits humains dans la république islamique dIran est une source dextrême inquiétude pour la communauté internationale, comme en témoigne la résolution de lAssemblée générale de lONU adoptée en décembre dernier. Cette résolution appelle notamment les autorités iraniennes à éliminer la torture, abolir les exécutions menées en absence de respect des sauvegardes reconnues sur un plan international et mettre fin au harcèlement, à lintimidation et la persécution des opposants politiques. Tant quil ny aura pas de progrès dans ces domaines de la part des autorités iraniennes, toute expulsion des résidents dAchraf dans leur pays dorigine sera une violation manifeste des obligations internationales de lIrak en matière de droits de lhomme.
Nous vous remercions de votre attention.
Veuillez agréer nos sentiments respectueux,
Souhayr Belhassen, La Présidente
FIDH – Paris, le 18 mars 2009,