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Arrêté en Afghanistan, Abdullah, 25 ans, djihadiste iranien « rejeté par les Talibans »

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The Guardian, 2 octobre – De Declan Walsh à Ghazni – Selon des hauts responsables, une nouvelle vague de soutien à l’insurrection arrive d’Iran.

Défiguré par la peur, un jeune prisonnier est perché sur le bord de sa chaise dans le bureau sans fenêtre des services de renseignement afghans. Les yeux injectés de sang et les mains tremblantes, il laisse échapper son histoire.

Abdullah a atteint la fin de sa pitoyablement courte carrière de combattant taliban. Il a été arrêté quelques heures plus tôt, 10 jours seulement après s’être engagé dans l’insurrection. Mais le jeune homme de 25 ans, au visage doux et à la barbe soignée, a quelque chose en lui d’inhabituel qui a suscité la curiosité des agents du renseignement.

« Je viens d’Iran », a-t-il dit d’une voix chevrotante, tordant nerveusement ses mains. « Ils m’ont dit que les Américains avaient envahi l’Afghanistan et que je devais y aller pour faire le djihad. Mais ils m’ont trahi. Maintenant, je regrette amèrement d’être parti. »

Tandis qu’un ouragan de violence talibane dévaste l’Afghanistan sur son passage (le dernier attentat-suicide a fait 10 morts samedi à Kaboul), les accusations de soutien étranger convergent vers le Pakistan, où les combattants peuvent se réfugier, s’organiser et se réarmer.

Mais récemment, les dirigeants afghans et occidentaux ont commencé à détecter une seconde source de soutien, bien que moins importante, du côté d’un autre voisin puissant de l’Afghanistan, l’Iran.

Des sources militaires et diplomatiques affirment avoir reçu plusieurs informations à propos d’Iraniens rencontrant des chefs de tribus dans les zones sous influence des Talibans, proposant un soutien militaire ou même, plus fréquemment, financier pour combattre les forces étrangères. Ces sources, qui ont désiré rester anonymes, ont déclaré que ces réunions avaient eu lieu dans la province d’Helmand, où plus de 3000 soldats britanniques sont postés, et dans la province voisine de Nimroz, zone désertique sans loi bordant l’est de l’Iran.

Bien que ces informations soient difficilement vérifiables en raison des risques pour la sécurité, les dirigeants affirment qu’il n’y a aucun doute à avoir sur la source de ce soutien. « L’influence de l’Iran est à coup sûr présente », a souligné un des hauts responsables occidentaux, qui a déclaré que ce phénomène était secrètement surveillé par le renseignement et les armées occidentales. Un haut officier militaire afghan a ajouté avoir reçu des informations similaires. « Les Iraniens offrent de l’argent et des armes. C’est une question très sensible », a-t-il dit.

L’identification de la source de ce soutien clandestin est une tâche difficile. Un haut responsable étranger ayant une longue expérience en Afghanistan a découvert la présence de militants baloutches provenant de l’est de l’Iran. Les nationalistes baloutches luttent violemment contre le gouvernement de Téhéran et seraient également impliqués dans le trafic de drogue. Le Baloutchistan iranien est un des principaux lieux de passage de l’héroïne, ainsi l’instabilité en Afghanistan (principal pays fournisseur) est dans l’intérêt des trafiquants. Ils ont également des liens idéologiques avec les Talibans, en particulier le groupe militant Jundullah (Soldats de Dieu) qui adhère à une interprétation extrémiste de l’Islam.

Un sale tour ?

L’éventualité de la présence de liens avec l’Etat iranien est une question bien plus controversée. Un haut responsable ayant une longue expérience dans le sud de l’Afghanistan, a déclaré que les aînés des tribus de la zone de Nad Ali dans la province d’Helmand lui avaient dit avoir reçu la visite d’un officier du renseignement iranien il y a six semaines. « Ils ont dit qu’il était resté deux nuits, et qu’il avait tenté de les endoctriner et de leur offrir son soutien », a-t-il rapporté. Tandis que la tension monte entre Téhéran et les Etats-Unis concernant la question nucléaire, une telle interférence a une signification géostratégique. Un Afghanistan en proie aux troubles gardent les 40 000 soldats étrangers postés ici (la moitié étant américains) bien occupés.

Mais d’autres estiment que ce sale tour est peu probable de la part de l’Iran. Alors au pouvoir à la fin des années 1990, les Talibans majoritairement sunnites étaient à couteaux tirés avec le gouvernement chiite d’Iran, qui fournissait de l’aide à leurs ennemis. Depuis 2001, Téhéran a forgé une alliance solide avec le président Hamid Karzai, envoyant de l’aide et coopérant étroitement dans la lutte contre le passage de drogue aux frontières. L’Iran est un des plus grands partenaires commerciaux de l’Afghanistan et la frontière près de la ville d’Herat à l’ouest est un élément économique vital. Chaque jour, des centaines de demandeurs de visa font la queue devant l’ambassade iranienne à Kaboul, la plupart étant des immigrants économiques à la recherche d’un emploi. L’élément le plus frappant à propos des rumeurs sur l’intervention de l’Iran, selon un dirigeant occidental à Kaboul, « est à quel point elles sont discrètes ». S’il le voulait, l’Iran pourrait faire des ravages en Afghanistan, poursuit-il, « mais j’ai l’impression qu’ils se retiennent, qu’ils n’ont pas joué toutes leurs cartes ». L’attention se concentre sur le Pakistan qui, aux côtés de la police inefficace et du gouvernement corrompu d’Afghanistan, est considéré comme un moteur clé de l’insurrection. La semaine dernière à Londres, le président général Pervez Musharraf a nié avec véhémence les allégations selon lesquelles son agence d’espionnage ISI soutenait les Talibans.

Il y a dix jours, Barnett Rubin, un universitaire spécialiste de l’Afghanistan, a averti le Sénat américain : « Toute personne essayant de vous vendre des rapports d’espionnage selon lesquels l’Iran est en train de déstabiliser l’Afghanistan déforme les faits ». Le Pakistan est le facteur principal de la déstabilisation de l’Afghanistan, a-t-il dit, « indépendamment du fait que le président Musharraf parle bien l’anglais, porte un costume et dit des choses que nous aimons entendre ».

Quelle que soit la vérité à propos du soutien officiel, il est évident que les Talibans ont des âmes sœurs en Iran. Le voyage d’Abdullah pour faire le djihad, d’une ville tranquille de l’ouest de l’Iran vers le champ de bataille afghan, suggère que le conflit a commencé à attirer des étrangers fraîchement endoctrinés et leurs mystérieux mentors.

Dans le bureau miteux du service de renseignement de la province de Ghazni, le jeune homme affolé raconte son histoire. Abdullah affirme avoir quitté son domicile à Kamyaran, dans la province du Kurdistan, six semaines plus tôt, disant à sa famille qu’il partait à Téhéran pour travailler. A la place, il a continué encore plusieurs centaines de kilomètres jusqu’à ce qu’il atteigne la ville de Zahedan et se faufile à travers la frontière afghane. Tout ce qu’il avait, c’était une adresse que lui avait remise un chef djihadiste nommé Abdullah Shafi, dit-il.

Un entraînement secret

Shafi, militant kurde du nord de l’Irak, est un ancien chef d’Ansar al-Islam, groupe ressemblant aux Talibans et ayant des liens avec al Qaeda. Après l’invasion américaine en Irak en 2003, il a été reconnu que Shafi avait envoyé des tueurs kamikazes à Bagdad. Bien que Shafi ait été ensuite expulsé d’Iran, Abdullah a affirmé que son organisation recrutait toujours de nouveaux militants, comme lui.

Abdullah a été envoyé dans un camp d’entraînement secret situé près de la frontière irakienne qui serait dirigé selon lui par le gouvernement iranien. « Ils nous ont donné des armes, de l’argent et un logement, et ont fait en sorte que l’on ne soit pas arrêtés », explique-t-il. « Notre gouvernement n’aime pas l’Amérique. Il veut établir un gouvernement chiite en Irak comme celui d’Iran. Il fait tout son possible pour y arriver. »

La plupart des diplômés du camp étaient destinés à l’Irak ou au Liban, déclare Abdullah (19 de ses 20 camarades ont été ainsi envoyés en Irak), mais Abdullah Shafi lui a dit d’aller en Afghanistan. Faisant le voyage seul jusqu’à Ghazni, dit-il, province du centre autrefois calme, il a frappé début septembre à la porte d’un chef taliban nommé Mansoor. Après un bref interrogatoire, Mansoor a confisqué sa carte d’identité iranienne et lui a offert un lit. Mais lorsqu’un groupe de combattants talibans est arrivé plus tard ce soir-là, raconte Abdullah, ils ont refusé de l’emmener avec eux. « Ils ont dit que je me ferais prendre parce que je n’avais pas d’arme », dit-il.

Mais quelques jours plus tard, alors que les bombardiers américains pilonnaient la zone, Abdullah et un combattant taliban ont été arrêtés et amenés aux bureaux des services de renseignement NDS. Il était impossible de confirmer son récit, bien qu’il parlait farsi avec un accent iranien et que les détails de sa capture aient été corroborés en haut lieu. Si c’est vrai, sa version vient confirmer les allégations selon lesquelles l’Irak est en train de former « une nouvelle génération de chefs terroristes et d’agents ». La semaine dernière, le groupe National Intelligence Review constitué de 16 agences de renseignement américaines, a déclaré que le conflit en Irak « inspirait d’autres combattants à poursuivre la lutte ailleurs ».

Mais dans le bureau miteux de Ghazni où Abdullah attendait d’être transféré à Kaboul, les bravades et les discours sur le djihad étaient absents. « Je suis vraiment désolé », dit-il au bord des larmes. « Je regrette d’avoir quitté ma maison. Je veux juste qu’on me libère. »

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