New York Times, Bagdad, 14 décembre par DEXTER FILKINS Daprès un haut responsable du ministère de lIntérieur, moins de deux jours avant les élections auxquelles toute la nation va participer, la police des frontières irakienne a saisi un camion-citerne mardi provenant dIran rempli de milliers de faux bulletins de vote.
Le camion a été arrêté dans la soirée par des agents entraînés par les Américains de la force de la protection des frontières dans la ville irakienne de Badra, après avoir traversé la frontière par Munthirya, a expliqué le responsable irakien. Daprès lui, la police des frontières a découvert des milliers de bulletins partiellement remplis à lintérieur du camion.
Le responsable, qui na pas décliné son identité car il nest pas autorisé à faire des déclarations publiques, a expliqué que le chauffeur du camion iranien a avoué à la police lors de son interrogatoire quau moins trois autres camions remplis de bulletins avaient passé la frontière à différents endroits.
Le haut responsable, qui na pas assisté à linterrogatoire, dit ne pas connaître la destination du chauffeur, ni ce quil comptait faire avec les bulletins.
La saisie de ce camion intervient à un moment délicat dans les relations entre lIran et lIrak et les États-Unis. Le gouvernement américain a déclaré que des agents iraniens essayaient activement dinfluencer les événements en Irak, en faisant passer de largent aux partis politiques chiites et en fournissant armes et entraînement à un grand nombre de milices illégales qui perturbent le pays.
Les agents du gouvernement iranien sont soupçonnés de soutenir les deux principaux partis politiques chiites en Irak (le Conseil suprême de la révolution islamique en Irak et le parti Dawa) en leur fournissant de largent et en leur offrant dautres services. Les deux partis sont en faveur dun rôle fort de lislam dans lÉtat irakien. Cependant, comparé au gouvernement iranien lui-même, qui est une théocratie stricte, la version irakienne reste relativement modérée.
Ces derniers mois, les responsables américains à Bagdad et à Washington, ainsi que leurs homologues britanniques, ont prétendu que des bombes sophistiquées passaient par la frontière avec lIran, et que certaines dentre elles avaient été utilisées contre des soldats américains et britanniques. On pense que ces bombes sont beaucoup plus sophistiquées que la plupart des bombes puissantes, mais plutôt rudimentaires, qui sont utilisées pour attaquer des chars et des convois américains en Irak.
Mardi, lors dune conférence de presse, plusieurs heures avant la saisie des bulletins, lambassadeur américain à Bagdad, Zalmay Khalilzad, sest exprimé au sujet de ce qui est daprès lui une tentative manifeste de lIran dinfluencer les événements en Irak.
« LIrak est particulièrement mal entouré », a-t-il dit. « Il y a des États prédateurs, des États totalitaires, comme lIran, qui aspirent à une hégémonie dans la région. Il y a des États qui craignent le succès de la démocratie en Irak, de peur quelle ne soit contagieuse et se répande. »
« Nous ne voulons pas que lIran intervienne dans nos affaires internes », a affirmé lambassadeur Khalilzad. « Nous ne voulons pas que des armes nous arrivent dIran, ou que des entraînements dIrakiens aient lieu. »
M. Khalilzad a obtenu lautorisation de discuter avec les Iraniens au sujet de lIrak, mais a déclaré mardi quil ne lavait pas encore fait.
Au nord-ouest de Bagdad, quatre soldats américains ont été tués lorsque leur patrouille a heurté une mine, a déclaré un commandant de larmée américaine qui na pas donné plus de détails.
Dans un message publié sur Internet, lArmée islamique dIrak, un groupe insurgé, proclame avoir attaqué un convoi américain et tué un certain nombre de soldats près dAbu Ghraib, à louest de Bagdad. Nous ne savons pas clairement si ce message faisait référence à la même attaque.
Le même groupe a publié un autre message sur Internet demandant aux combattants de la résistance de sabstenir dattaquer les bureaux de vote le jour des élections afin de « sauver le sang du peuple ». Le groupe a cependant demandé avec insistance aux Irakiens de continuer à tuer des soldats américains.
« Cela ne veut pas dire que nous approuvons ce que lon nomme une opération politique », dit la déclaration, en référence aux élections.
Les deux messages de lArmée islamique ont été traduits par SITE, une organisation basée à Washington qui traque les groupes islamiques militants.
Malgré le refus de la violence pour le jour des élections, lidée délire leurs propres représentants au Parlement semble avoir creusé un fossé entre les groupes insurgés sunnites. Alors que lArmée islamique appelle à ne pas attaquer les bureaux de vote, un message Internet posté cette semaine par cinq groupes militants dont Al Qaïda de Mésopotamie, a qualifié les élections de « projet des croisés », mais na toutefois pas menacé de les perturber.
Au même moment, des insurgés à Ramadi, une ville sunnite à louest de Bagdad, ont distribué des prospectus menaçant les résidents de mort sils allaient voter. Des messages menaçants similaires ont été écrits sur les murs des villes de la province dAnbar, à louest du pays.
Afin de se protéger contre les attaques des insurgés, environ 225.000 policiers et soldats irakiens ont commencé à prendre position dans tout le pays, 90.000 de plus que pour les élections de janvier. Les forces irakiennes sont renforcées par plus de 150.000 soldats américains.
Dautres mesures de sécurité on été mises en place à travers le pays à partir de mardi, dont un couvre-feu prolongé, une interdiction contre le port darmes et une limitation de presque toute la circulation.
Dans un autre acte de violence, un candidat arabe sunnite, Mizhar al-Dulaimi, a été tué à Ramadi par des terroristes alors quil allait rendre visite à des parents, selon des hauts responsables, et un ami qui laccompagnait a été blessé. Des groupes djihadistes ont menacé de tuer les Irakiens qu participeraient au processus politique soit en tant que candidats, quemployés de bureaux de vote ou quélecteurs.
M. Dulaimi était un homme daffaires connu pour son fervent soutien à la résistance contre loccupation américaine. Il a participé le mois dernier à une conférence sur la réconciliation politique en Irak qui sest tenue au Caire. Dans une interview télévisée récente, il a accusé les Chiites dessayer de larrêter pour ce quil considère comme un cas de sécurité fabriqué.
Jusquà maintenant, la campagne électorale a été une rude épreuve en Irak. Ces deux dernières semaines uniquement, 11 personnes liées à une coalition politique avec Ayad Allawi, ancien premier ministre, ont été assassinées, ainsi quun des candidats en tête dans le sud de lIrak. Mardi dernier, des hommes armés ont fait irruption dans cinq bureaux au nord du pays appartenant à lUnion islamique du Kurdistan, provoquant la mort de deux membres du parti et blessant 10 personnes.
Il est souvent difficile de faire la différence entre meurtres politiques et terrorisme qui fait désormais partie du quotidien ici, mais dans les deux cas, les partis ont accusé leurs rivaux davoir organisé les agressions.
Khalid al-Khassan a contribué à la rédaction de cet article depuis Bagdad, ainsi que Kirk Semple depuis Ramadi.