Iran and its NeighboursIrakL’Iran peut-il être un partenaire en Irak ?

L’Iran peut-il être un partenaire en Irak ?

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Iran Focus – Analyse – Par David Ahmadi

Tout le monde s’attend à ce que l’Iraqi Study Group, dirigé par l’ancien secrétaire d’Etat James Baker et l’ancien parlementaire Lee Hamilton, conseille aux Etats-Unis de dialoguer avec l’Iran et la Syrie dans le cadre d’une nouvelle approche visant à résoudre la crise en Irak. Des fuites ont laissé entendre aussi que dans un rapport de 100 pages le groupe allait recommander l’organisation d’une conférence internationale à laquelle participeraient tous les pays de la région.

Ces dernières semaines, les médias ont abondamment évoqué l’idée d’une collaboration de l’Iran et de la Syrie dans le cadre d’un changement de politique en Irak. Toutefois, il y a eu très peu, sinon aucune, suggestion spécifique ou feuille de route sur la manière dont l’Iran et la Syrie pouvaient apporter leur aide.

On dit que Baker estime par principe qu’il faut dialoguer avec l’ennemi. Sans doute est-il le seul homme suffisamment bien placé pour faire une telle déclaration. Ses références en diplomatie et en négociations sont indéniables. La diplomatie moderne, plus que jamais, repose sur la négociation et la capacité de persuasion. Il existe des avantages certains à la négociation qui ne peut être rejetée catégoriquement. Mais même si tout ceci est vrai, la question qui demeure est la suivante : « le dialogue avec l’ennemi » est-il une justification suffisante à une collaboration avec l’Iran et la Syrie ?

Stephen Hadley, conseiller en chef à la sécurité nationale, adopte un point de vue différent. Il affirme que le dialogue n’est pas une solution en soi. Il explique que si l’on veut qu’une politique soit considérée comme une solution viable, le dialogue seul n’est pas suffisant. Il a tout autant raison que Baker. Alors que ces deux positions semblent correctes en termes généraux, on ne peut tester leur applicabilité que face à un problème spécifique dans une situation spécifique.

Tant que nous restons dans le général et que nous n’appliquons pas l’un ou l’autre point de vue à un cas particulier, il est impossible de parvenir à une conclusion. Il existe autant d’arguments que de contre arguments. Le principe du dialogue et du « dialogue avec l’ennemi » a plusieurs fois sauver le monde de la guerre et de la destruction. La guerre froide en est l’exemple le plus célèbre : plus de cinquante ans de dialogue constant avec l’Union Soviétique, même lorsque le conflit semblait presque inévitable.

D’un autre côté, la seconde Guerre mondiale était aussi le résultat de l’idée de dialoguer avec l’ennemi et de parvenir à un compromis par la négociation. Regardons les choses en face, la négociation consiste à faire des compromis. La diplomatie et la négociation consistent à donner et à prendre. C’est dans cet esprit que Chamberlain est allé à Munich en 1938. A son retour, il a déclaré : « Mes bons amis, pour la deuxième fois de notre histoire, nous revenons d’Allemagne apportant la paix dans l’honneur à Downing Street. Je crois que c’est la paix de notre époque. Nous vous remercions du fond du cœur. Je vous le dis maintenant, vous pouvez retourner chez vous et dormir paisiblement ».

Une semaine plus tard, Chamberlain a justifié sa politique en disant : « Nous devons par tous les moyens en notre pouvoir éviter la guerre en analysant les causes possibles et en tentant de les supprimer par la discussion, dans un esprit de collaboration et de bonne volonté. Je ne peux croire qu’un tel programme puisse être rejeté par le peuple de ce pays, même s’il implique l’instauration d’un contact personnel avec les dictateurs » (discours du 6 octobre 1938, chambre des Communes). Ainsi, les deux camps disposent de suffisamment de munitions historiques à se lancer l’un contre l’autre pour défendre leur point de vue. Mais qu’en est-il de ce cas particulier ? La Syrie et l’Iran, peuvent-ils devenir des partenaires pour apporter la paix et la stabilité en Iran et construire un nouveau Moyen-Orient ? Toute la question est là.

Et la réponse est non. Ils ne le peuvent pas. En particulier dans le cas de l’Iran. Reconnaître ce pays comme un partenaire pour la paix et la sécurité en Irak nous mènerait tout droit vers un désastre. Une telle politique rappelle plus la politique de complaisance avec Hitler que celle de l’endiguement pendant la guerre froide. Les partisans d’une collaboration avec l’Iran doivent pouvoir répondre clairement aux questions suivantes:

1. Etant donné que la négociation n’a de chances de succès que si les deux camps donnent et prennent, les Etats-Unis doivent sérieusement se demander ce qu’est prêt à offrir Téhéran. Le régime iranien a déjà rejeté un paquet d’avantages comprenant une adhésion à l’Organisation mondiale du Commerce, la levée de certains embargos contre l’Iran, etc. En termes plus simples mais plus directs, l’Amérique est-elle prête à accepter que l’Iran avec son régime théocratique actuel se dote de la bombe nucléaire ? Il serait naïf de penser que les négociations porteront sur l’Irak et non sur le nucléaire. Lorsque les pourparlers vont débuter, tous les sujets doivent être mis à l’ordre du jour. On aurait tort d’éviter le sujet. Les dirigeants politiques américains doivent regarder la réalité en face : les mollahs iraniens n’ont aucun intérêt à acquérir de l’énergie nucléaire. Ils ne dépensent pas autant d’argent et n’engagent pas leur pays dans un conflit avec la communauté internationale pour obtenir de l’énergie nucléaire. Ils veulent la bombe et vu la façon dont ils progressent dans la crise nucléaire sans que la communauté internationale n’entreprenne aucun effort pour les arrêter, ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils ne l’obtiennent.

2. Quel est le résultat de quatre années de négociation nucléaire européenne avec l’Iran? De peur que l’Iran n’obtienne la bombe atomique, l’Europe a fait toutes les concessions possibles. Mais elle a échoué. Les dirigeants iraniens ont déclaré que les négociations avec l’Europe leur avaient permis d’achever leur cycle du combustible nucléaire. L’Iran s’est trouvé encouragé. Il a même défié la résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU demandant la suspension de l’enrichissement nucléaire.

3. Concernant l’Irak, les USA – et les Irakiens ordinaires – veulent que l’Iran cesse d’intervenir dans ce pays. Mais en échange, qu’ont-ils l’intention de donner ? La reconnaissance du rôle dominant de l’Iran en Irak ? Sinon, pourquoi l’Iran les écouterait ? Ils ont un intérêt énorme à renforcer leur influence en Irak. Les Iraniens ont été très clairs : les USA doivent partir d’Irak. Il ne s’agit pas de rhétorique. L’Iran poursuit depuis ces quatre dernières années une politique visant à expulser de force les Américains d’Irak. Son aide aux milices et autres groupes extrémistes fait partie du programme. Ils veulent un régime théocratique en Irak dirigé par leurs hommes de paille. Ils ont déjà fait de grandes avancées à cet égard. Le cœur de la question est donc de savoir si les Etats-Unis sont prêts à céder l’Irak à l’Iran ?

L’Iran ne peut être un partenaire dans la solution du problème irakien tout simplement parce que le régime iranien n’a aucun intérêt à mettre fin aux violences en Irak. En effet, l’intensification des violences est le seul moyen de faire partir les Américains du pays. En d’autres termes, un Irak sécurisé et stable serait un handicap pour Téhéran. Espérer que les mollahs fassent quelque chose contre leur propre intérêt est tout simplement naïf. Comme l’a dit l’ancien membre du Conseil national de sécurité américain Raymond Tanter dans une interview sur Al-Jazeera, inviter l’Iran à nous aider à stabiliser l’Irak revient à demander à un renard de garder le poulailler.

Mais ce qui rend les choses plus dangereuses encore, c’est que les extrémistes au pouvoir en Iran ne jouent pas selon les mêmes règles. Ils ont leurs propres règles. C’est pourquoi la politique de complaisance de l’Occident vis-à-vis du régime iranien ces deux dernières décennies a été un échec total. La combinaison d’intérêts économiques à court terme et l’absence de volonté n’ont pas permis à l’Occident d’affronter la source première d’instabilité dans la région et tout ce qui alimente le conflit : les dirigeants théocratiques de Téhéran.

La politique américaine a échoué en Irak, non parce que l’Amérique ne s’est pas engagée dans des négociations avec l’Iran, mais parce qu’elle n’a pas su stopper l’intervention de l’Iran dans le pays.

Le régime iranien a toujours considéré l’Irak comme la grande récompense de ses ambitions expansionnistes au Moyen Orient. L’invasion de l’Irak et la chute de Saddam Hussein a fourni à l’Iran une occasion en or d’installer un gouvernement intégriste fantoche dans ce pays. Mohsen Reza’i, ancien commandant des gardiens de la révolution et actuel secrétaire du Conseil de discernement des intérêts de l’Etat, a déclaré en novembre que l’occupation américaine de l’Irak avait offert au régime plus d’opportunités.

Ainsi, dans le contexte politique actuel en Irak, le choix stratégique des Etats-Unis et leurs efforts pour mettre fin à l’insurrection, stabiliser l’Irak et finalement ouvrir la voie au retrait de ses troupes, consiste à s’aligner avec les forces en Irak qui s’opposent à l’intervention de l’Iran et à ses efforts pour contrôler le pays.

En juin dernier, 5,2 millions d’Irakiens ont signé une déclaration disant notamment : « Actuellement, le conflit majeur [en Irak »> se situe entre la démocratie et la dictature. L’alignement politique principal et le plus important existe entre les forces démocratiques et patriotiques avec leurs différentes tendances et idées d’un côté et les agents du régime iranien de l’autre… ».

La déclaration, qui était soutenue par de nombreux groupes sunnites, chi’ites et kurdes, appelle le gouvernement irakien et Washington à travailler pour évincer le régime iranien d’Irak et apporter leur soutien aux opposants iraniens basés en Irak – les Moudjahidine du peuple.

Voici une idée que les décideurs politiques américains devraient examiner plus sérieusement.

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