Iran and its NeighboursIrakPas de négociations avec l’Iran et la Syrie

Pas de négociations avec l’Iran et la Syrie

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The Los Angeles Times, 17 décembre – Par David B. Rivkin Jr. et Lee A. Casey* – Les Etats-Unis, doivent-ils négocier directement avec la Syrie et l’Iran sur l’avenir de l’Irak ? Ces pays sont les ennemis jurés de l’Amérique et ont à leur tête des gouvernements répressifs acharnés.

Cependant, l’Iraq Study Group avance que les Etats-Unis ont souvent négocié avec des régimes peu recommandables, comme le gouvernement soviétique pendant la Guerre froide, et que les compétences de la diplomatie américaine peuvent éloigner les discussions des sujets sur lesquels les Etats-Unis
refuseraient absolument de transiger (tels que le programme d’armes nucléaires d’Iran), mais aussi les diriger vers l’Irak, où ils pourraient convaincre les autres de travailler avec eux. Si l’on s’en remet à cet
argument, même si les négociations avec Damas et Téhéran échouent, nous n’avons rien à perdre à discuter.

Malheureusement, cet argument est trompeur. En réalité, il y a beaucoup à perdre.

L’aphorisme de Winston Churchill « papoter vaut toujours mieux que s’entretuer » est souvent cité, mais il n’était pas représentatif de sa politique lorsqu’il était au gouvernement. Malgré la pression de son cabinet, Churchill a refusé en 1940 de négocier avec l’Italien Benito Mussolini, de peur que la volonté de la Grande-Bretagne de mener une guerre pénible contre l’Allemagne ne soit ébranlée par l’espoir d’une paix séparée avec un des alliés d’Adolf Hitler.

En effet, l’histoire est pleine d’exemples de négociations bien intentionnées qui ont mal tourné, peu judicieuses dès le début ou si mal gérées en pratique qu’elles enflammaient les tensions au lieu de les calmer. Les plus célèbres sont celles du spectacle tragique de l’apaisement français et britannique d’Hitler dans les années 1930, mais la diplomatie de la Guerre froide est également riche d’exemples de pourparlers qui ont eu l’effet inverse escompté.

En guise d’illustration, pendant le sommet américano-soviétique de septembre 1959, le président Eisenhower a nourri la vanité de Nikita Khrouchtchev, en le qualifiant de grand chef d’Etat et en accueillant la délégation soviétique à Camp David. Eisenhower a également accepté en 1960 de mener un autre sommet largement dédié à l’Allemagne, qui constituait un point explosif de la Guerre froide et une priorité diplomatique pour l’Union soviétique.

Ainsi, Moscou en a déduit que Washington était intimidé par la puissance militaire soviétique croissante et qu’ils pourraient les persuader d’abandonner Berlin. Khrouchtchev a donc redoublé d’efforts dans ce sens, à grand renfort de rhétorique fanfaronne et de renseignement monté de toutes
pièces pour tromper les Etats-Unis et leur faire croire que la force nucléaire soviétique était bien plus importante que celle de l’Amérique : le fameux « missile bluff ». La diplomatie d’Eisenhower a élevé les espoirs à un niveau irréaliste, les tensions ont empiré et la cohésion de l’OTAN s’en est trouvée affaiblie.

Le sommet Kennedy-Khrouchtchev de juin 1961 était tout autant inutile et a simplement servi à convaincre le chef d’Etat soviétique de la faiblesse du nouveau jeune président. Par conséquent, Moscou a augmenté sa pression sur Berlin et, en 1962, a fait un énorme pari stratégique en installant
sournoisement des missiles à Cuba. L’erreur de calcul de Khrouchtchev, venant de sa mauvaise interprétation de la diplomatie américaine, a amené le risque d’une guerre nucléaire à un niveau encore jamais atteint dans le monde.

Bien évidemment, il y a des moments où parler à l’ennemi est une idée pertinente. Lorsqu’il était secrétaire d’Etat, James A. Baker III, coprésident de l’Iraq Study Group, a lui-même habilement conduit un dialogue fructueux avec Mikhaïl Gorbatchev au moment où l’Union soviétique disparaissait peu à peu au début des années 1990.

Mais les pourparlers sont imprévisibles et le choix de la date est capital. Ils ne devraient jamais débuter sans des objectifs réalistes et identifiables et sans avoir une idée claire de quels compromis sont
acceptables ou non. L’idée que les USA puissent ouvrir des négociations avec la Syrie ou l’Iran sans être prêts à donner quelque chose (en échange) est aberrante et déloyale. L’acte même de négocier (tout du moins de négocier de bonne foi) implique la volonté d’aboutir à un accord et d’accepter une
contrepartie.

Les questions, donc, que doivent se poser Baker et tous ceux qui se prononcent en faveur d’un dialogue direct, immédiat et inconditionnel avec le président syrien Bashar Assad et les mollahs iraniens, sont les suivantes : qu’espèrent exactement tirer les Etats-Unis de leur coopération en Irak et que seraient-ils prêts à donner en échange ? Ces questions n’ont pas trouvé de réponses pour le moment et il y a peu de chances pour qu’elles en trouvent prochainement.

Par ailleurs, le coût d’un dialogue avec Damas et Téhéran est très clair. Par exemple, les USA et la France ont travaillé avec diligence pour isoler la Syrie, en particulier en raison de son implication présumée dans l’assassinat de hauts dirigeants libanais. Un engagement diplomatique avec Damas légitimerait à nouveau le régime d’Assad.

Par ailleurs, les USA ont passé des années à construire une coalition à l’intérieur du Conseil de Sécurité de l’ONU afin d’imposer des sanctions à l’Iran pour son programme d’armes nucléaires, insistant sur le fait que l’Iran doit suspendre ses activités d’enrichissement d’uranium comme condition préalable à un dialogue diplomatique sérieux. Abandonner soudainement cette position et ouvrir un dialogue inconditionnel serait humiliant et saperait inévitablement tous ces efforts diplomatiques.

Ironiquement, l’Iraq Study Group, malgré son insistance sur la diplomatie, sous-estime grandement les forces que le discours diplomatique est capable de découpler. La diplomatie est un exercice sérieux, capable de produire des conséquences soit positives, soit négatives.

Les papotages sont extrêmement importants, en particulier lorsqu’ils sont menés par une grande puissance telle que l’Amérique. Ceci explique pourquoi la plupart des régimes en marge désirent vivement danser un menuet diplomatique avec les USA, qu’ils l’admettent ou non. Ils ont compris qu’une fois que les Etats-Unis commencent à leur parler, cela légitime implicitement au moins certaines de leurs positions et gêne la construction de coalitions régionales ou mondiales contre eux.

Outre un retrait immédiat des forces américaines d’Irak, il est difficile de concevoir une ligne de conduite plus périlleuse pour nos intérêts au Moyen Orient que de chercher l’assistance de l’Iran et de la Syrie, comme le préconise Baker.

Cela ne veut pas dire que les Etats-Unis ne doivent pas dialoguer avec des régimes répréhensibles ou avec ses ennemis lorsque ces négociations vont dans le sens de l’intérêt national, comme c’est parfois le cas. Bien que l’administration Bush ait fréquemment déclaré, par principe, qu’elle éviterait toutes négociations avec les despotes et les voyous du monde, il semblerait qu’elle ait parlé trop vite. En effet, sa volonté de se servir de la diplomatie multilatérale pour persuader l’Iran et la Corée du Nord de
freiner leurs ambitions nucléaires reflète ces considérations traditionnelles de realpolitik. Cette approche n’est pas mauvaise parce que sa structure multilatérale limite la capacité de l’Iran et de la Corée du Nord à séparer les USA du reste du monde, et parce qu’il est clair que des concessions concrètes sont attendues de ces deux pays.

Ce qui n’a pas de sens, c’est l’ouverture d’un dialogue avec deux des pires ennemis de Washington, sans savoir très clairement si leur aide en Irak serait valable à long terme.

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DAVID B. RIVKIN JR. et LEE A. CASEY sont associés dans un cabinet juridique de Washington et étaient au département de la Justice sous les mandats des présidents Reagan et George H.W. Bush.

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