American View, 6 février par Gerard Baker Les marchés redeviennent nerveux face à léventualité dune frappe américaine en Iran. Le pétrole, qui se maintenait en dessous de la barre des 50$ le baril, sest remis à grimper, en partie en raison de la peur dune nouvelle guerre au Moyen Orient. Cette nervosité naffecte pas le cours des devises, des actions cotées en bourse ou les taux dintérêt, mais on peut être certain que cela ne va pas durer si les tensions continuent de sintensifier ainsi.
Alors même que les investisseurs adaptent leurs positions en fonction de laggravation à venir de la crise, une atmosphère générale dincrédulité semble dominer quant aux intentions militaires des États-Unis. Au vu de la débâcle en Irak, nest-ce pas inimaginable que lAmérique ouvre un second front dans cette région hostile ? Il est important de rappeler que quel que soit le projet du Pentagone concernant lIran, il ne ressemble en rien à une répétition de la guerre en Irak qui, bien entendu sest déroulée à merveille
Aucune personne saine desprit nenvisage sérieusement une invasion ; par contre, des frappes ciblées contre des sites nucléaires, cest autre chose
Tout semble indiquer que la Maison-Blanche a lintention de précipiter les choses dans lannée à venir. Le déploiement de matériel militaire lourd dans le Golfe, apte à lancer des frappes aériennes à distance, la nomination dun amiral pour prendre le commandement central terrestre et le langage de plus en plus menaçant adopté par ladministration Bush pour parler des activités de Téhéran en Irak, suggèrent que quelque chose se trame.
Daprès les informations que jai pu récolter des gens qui participent à ces discussions, il existe au moins cinq raisons pour que les chances dune action quelle quelle soit deviennent plus importantes quil y a un an. Tout dabord, le temps vient à manquer au président Bush. Il devient une personnalité politique de plus en plus isolée.
Ceci pourrait paraître contraire à lintuition. Mais assurément, plus un président est faible dun point de vue politique, plus il a de chances déviter de prendre de grandes mesures vigoureuses et risquées, telles que larguer des missiles sur la plus grande nation islamique du Moyen Orient. Mais peut-être pas. Daprès ses décisions récentes sur lIrak, où il semble déterminé à prendre le risque dune isolation politique totale en jouant le tout pour le tout, je dirais que M. Bush a atteint une sorte de sérénité psychique. Il sait quil va quitter la Maison-Blanche en tant que président controversé et se concentre maintenant presque entièrement sur sa légitimité, plutôt que sur ses perspectives politiques immédiates. Peu importe que les sondeurs républicains lui disent quune attaque bâclée contre lIran condamnerait le parti pendant des décennies, sil pense quil faut foncer maintenant.
Deuxièmement, la campagne de sanctions na eu des effets que timides, comme
tout le monde sy attendait. Grâce à lobstination de la Russie et de la Chine, sans mentionner leurs puissants intérêts financiers, le processus de lONU na débouché que sur des sanctions limitées portant sur des échanges dans le domaine nucléaire. Bien que Moscou et Pékin insistent pour quon laisse à cette initiative plus de temps pour fonctionner, il est difficile de voir dans quel but.
Troisièmement, malgré les rapports de renseignement publiés la semaine dernière qui dressent un tableau de la situation en Irak, tout en jetant le doute sur le fait que lIran y crée des troubles, la Maison-Blanche est plus convaincue que jamais que Téhéran mène une guerre par procuration. Des agents iraniens approvisionnent les milices chiites et le gouvernement à majorité chiite de Bagdad caresse de plus en plus ses amis persans dans le sens du poil.
Les conseillers militaires américains craignent que linfluence iranienne atteigne un point où il serait impossible dempêcher lIrak de devenir un pays satellite.
Quatrièmement, les événements de lété dernier en Israël et au Liban ont durci lopinion israélienne à propos du caractère inévitable dune confrontation avec lIran. Il ne sagit en aucun cas dun argument décisif pour la politique américaine, comme les observateurs plus exaltés de la politique américaine le pensent. Mais les responsables de la politique étrangère à la Maison-Blanche partagent le lugubre point de vue général israélien, selon lequel la région connaît actuellement la première phase dune longue lutte. Le combat entre le Hezbollah et Israël lété dernier nen était quun avant-goût. Imaginez la même chose mais cette fois contre une puissance nucléaire.
Cinquièmement, daprès ce que lon peut apercevoir des coins sombres du monde du renseignement, les informations fiables disponibles sur la localisation des sites nucléaires iraniens et lidée de pouvoir sen débarrasser à laide dune action militaire coordonnée ont évolué.
Les signes visibles de la progression du régime vers lacquisition darmes nucléaires peuvent être abordées sous forme déchiquier. À une extrémité, la plus basique, la connaissance scientifique. Celle-ci est, par sa propre nature, extrêmement difficile à détecter au moyen dopérations despionnage. De lautre, les missiles à tête nucléaire entreposés dans des silos quelque part ; meurtriers, certainement, mais très difficiles à dissimuler. Comme lIran avance le long de cet échiquier, le renseignement américain et israélien pense avoir un meilleur aperçu de ce qui est là-bas et doù il se
trouve.
Tout ceci rend-il pour autant une frappe inévitable ? Non. Les dirigeants américains pensent que lIran devient tellement inquiet à lidée dun conflit quil se prépare à faire dimportantes concessions. Mahmoud Ahmadinejad, lidiot millénariste à la tête du gouvernement iranien, subit une grande pression de ses rivaux pour calmer le jeu.
Dans un futur proche, il est attendu que lIran propose un «compromis » quelconque, peut-être la suspension du processus denrichissement en échange de la levée des sanctions. Les USA seront tentés de considérer ce geste comme une victoire, le triomphe de sa diplomatie tenace. Mais cest seulement si lAmérique parvient à
désarmer lIran quelle peut être prise au sérieux. Attendez vous à un avenir plus trouble dans les prochains mois.