Le Monde, 5 avril par Patrice Claude Selon Hoshyar Zebari, le chef de la diplomatie irakienne, les trois événements qui suivent « ne sont liés d’aucune manière ». La libération, mercredi 4 avril, par Téhéran des 15 marins britanniques n’a « rien à voir » avec celle, vingt-quatre heures plus tôt, d’un diplomate iranien mystérieusement disparu depuis deux mois en Irak.
Rien à voir non plus avec l’annonce, quelques heures plus tard à Téhéran, que cinq autres « diplomates » iraniens, capturés le 11 janvier en Irak par l’armée américaine, vont recevoir la visite d’un conseiller de leur ambassade en Irak. « Simple coïncidence », dit-on à l’unisson, à Bagdad, à Londres, à Téhéran et à Washington, où l’idée même d’un échange de « bons procédés » paraît impossible à admettre. « Pas de négociation, pas d’arrangement », affirment-ils tous.
Jalal Sharafi, deuxième secrétaire de la chancellerie iranienne en Irak, avait été enlevé le 4 février à Bagdad par des hommes en uniforme de l’armée irakienne. Evénement banal, ces temps-ci, dans la capitale. Sauf qu’il n’y a pas eu de demande de rançon, pas de revendication, pas de cadavre. L’homme a été tout aussi mystérieusement relâché lundi, et il est rentré en Iran le lendemain.
« Nous n’avons aucune idée de l’identité de ses ravisseurs », a affirmé M. Zebari. Téhéran, lui, en avait une. Son diplomate était retenu, avançait-il, par « un service de renseignement irakien directement lié à la CIA » américaine, en vue de lui faire avouer la complicité de son pays, régulièrement dénoncée à Washington, avec des milices chiites.
On ne connaît pas non plus précisément les tenants et aboutissants de la capture par l’armée américaine, le 11 janvier dans une villa d’Erbil, la capitale du Kurdistan irakien, de cinq autres Iraniens. « L’enquête à leur propos se poursuit », disait mercredi à la presse le général William Caldwell, le porte-parole militaire américain en Irak. Présentés par Téhéran comme des diplomates en instance d’accréditation consulaire par le gouvernement autonome kurde, les cinq hommes sont soupçonnés, par les Américains, d’appartenir au corps des pasdarans, les gardiens de la révolution islamique iraniens, et d’avoir été là pour prendre les commandes d’armements de certains groupes irakiens.
Problème, les autorités kurdes d’Irak, pourtant très proches des Américains, n’ont cessé d’exiger leur libération, le président de la République d’Irak, Jalal Talabani, et le ministre Zebari qui sont aussi, et peut-être avant tout, des politiciens kurdes relayant régulièrement leur demande auprès de l’armée américaine. « Nous demandons formellement la libération de ces hommes depuis un certain temps déjà, mais sans succès », déplorait M. Zebari mercredi, admettant implicitement les limites de la souveraineté de son gouvernement sur son propre sol.
Le raid américain à Erbil avait coïncidé avec la visite au Kurdistan de deux hauts responsables iraniens liés aux gardiens de la révolution, Mohammed Jafari Sahroudi et Minojahar Frouzanda.