Le JDD.fr, 2 mars par Matthieu Verrier – Mahmoud Ahmadinejad est arrivé à Bagdad dimanche pour une visite de deux jours. Une première puisqu’aucun président iranien ne s’était rendu en Irak depuis la révolution de 1979. Avec cette réconciliation entre deux pays à majorité chiite, qui se sont livré une guerre de huit ans dans les années 1980, l’Iran veut se poser en stabilisateur de la région et ainsi sortir de son isolement.
« Une visite en Irak sans le dictateur est un vrai bonheur », a lâché dimanche Mahmoud Ahmadinejad. Le dictateur en question est Saddam Hussein, grand rival du régime des ayatollahs, exécuté en décembre 2006. Le président iranien, en déplacement à Bagdad, s’est réjoui du changement en Irak, un changement intervenu pourtant après l’intervention de son ennemi juré, les Etats-Unis. Cette visite est la première d’un chef de l’Etat iranien depuis la révolution de 1979, à la suite de laquelle les deux pays se sont affrontés dans une guerre de huit ans.
Si Mahmoud Ahmadinejad a salué le nouveau visage de l’Irak, il n’en a pas pour autant attribuer le crédit aux Etats-Unis. Bien au contraire. « Les Américains doivent comprendre un fait dans la région. Le peuple irakien n’aime pas l’Amérique », a asséné le chef de l’Etat, lors d’une conférence de presse commune avec Nouri al Maliki, le Premier ministre irakien. Le président iranien s’est aussi entretenu avec son homologue irakien, auquel il a assuré que s’ouvrait « un nouveau chapitre dans les relations bilatérales des deux pays ». Par ces rencontres, les deux Etats montrent ainsi leur réconciliation, vingt après la fin de la guerre dans laquelle près de 800 000 personnes ont été tuées.
EN VOITURE DANS BAGDAD
Mais la rencontre présidentielle se concentre sur l’Irak chiite. Après le règne sans partage du sunnite Saddam Hussein, le pays est en effet dirigé principalement par les chiites, comme l’Iran. Aucun entretien n’a été prévu avec le vice-président sunnite Tarek al Hachemi. Des manifestations ont dû être dispersées à Bagdad et dans les villes majoritairement sunnites. Par ailleurs, le chef de l’Etat iranien pourrait se rendre lundi dans le sud, notamment à Kerbala et Nadjaf, qui abritent de nombreux lieux saints du chiisme. Ses nouveaux alliés lui ont assuré qu’ils l’aideraient à combattre les rebelles iraniens postés en Irak.
Téhéran veut ainsi s’imposer comme un acteur incontournable de la région. Mahmoud Ahmadinejad a d’ailleurs souligné que l’entente retrouvée devait favoriser « un climat de coopération dans la région ». A Washington qui accuse l’Iran de fournir des armes aux milices chiites, le président a répondu: « Nous disons à M. Bush qu’accuser les autres sans preuve aggravera les problèmes dans la région et ne les résoudra pas. » Pour marquer sa différence et souligner sa stature, Mahmoud Ahmadinejad s’est rendu de l’aéroport de Bagdad au palais présidentiel en voiture, quand les dirigeants occidentaux empruntent l’hélicoptère avec force précautions. Les forces américaines avaient d’ailleurs averti qu’elles n’assureraient pas la sécurité du président iranien.
Mahmoud Ahmadinejad espère ainsi briser l’isolement dans lequel les Etats-Unis veulent le maintenir. Le Conseil de sécurité des Nations unies doit voter la semaine prochaine un nouveau train de mesures contre la République islamique qui a poursuivi son programme d’enrichissement d’uranium. Téhéran clame que ses ambitions nucléaires restent civiles. En se réconciliant avec l’Irak, les arguments iraniens pèsent plus lourd.