Le Monde.fr :Depuis des mois, les manifestants assurent que des soldats iraniens participent à la répression en Syrie. Mais les preuves de cette implication sont rares, voire inexistantes. Depuis vendredi 27 janvier, des soldats déserteurs de l’Armée syrienne libre (ASL), appartenant à la brigade Al-Farouk, affirment détenir sept Iraniens, cinq militaires et deux civils.
Dans un communiqué, l’ASL demande, en échange de leur libération, l’arrêt des attaques à Homs et la libération du lieutenant-colonel Hussein Harmouche, premier officier supérieur syrien à avoir déserté avant d’être enlevé en Turquie et de réapparaître à Damas. Ce dernier aurait été exécuté lundi, selon des informations non confirmées.
Dans une vidéo mise en ligne par les insurgés syriens, les Iraniens, l’air fatigué et abattu, se présentent, avant que leur « chef », Sajjad Aminan, confesse être entré en Syrie le 16 octobre 2011. « Nous avons tué de nombreux civils dans la ville de Homs, dont beaucoup de femmes et d’enfants. Nous avons reçu nos ordres directement des services de renseignement (…) », explique-t-il. Les insurgés exhibent des passeports et des documents présentés comme des papiers militaires. Il s’agit en fait de certificats de décharge du service militaire. Les hommes sont présentés en chemise noire, la tenue des Gardiens de la révolution (pasdaran), et avec un fusil Dragonov, l’arme de prédilection des snipers.
En fait, l’agence iranienne Mehr révélait le même jour que les cinq « soldats » iraniens n’étaient autres que les ingénieurs kidnappés le 21 décembre à la centrale électrique d’Homs. Quatre noms sont identiques et la photo des hommes, en civil, diffusée par Mehr, laisse peu de place au doute. Les deux civils supplémentaires seraient des émissaires venus négocier la libération des otages.
Tout début janvier, Paris-Match avait publié un reportage à Homs, dans lequel les Iraniens apparaissaient : capturés en bleus de travail, ils sont soupçonnés par l’ASL « d’être des tireurs d’élite envoyés par Téhéran pour prêter main-forte à Bachar Al-Assad ». A la même date, un groupe inconnu, le Mouvement contre l’expansion chiite en Syrie, avait revendiqué l’enlèvement de cinq Iraniens. Vrais ingénieurs ou snipers en mission, qui sont vraiment les otages iraniens d’Homs ? Le mystère reste entier.
En revanche, le communiqué de l’ASL est clair. Il demande au Guide suprême de la révolution islamique, Ali Khamenei, de « reconnaître clairement la présence en Syrie de membres des Gardiens de la révolution dans le but d’aider le régime d’Assad à opprimer le peuple syrien » et le met en demeure de « se retirer immédiatement du territoire syrien avant samedi midi ». « Nous sommes les amis du peuple iranien, nous ne sommes pas sectaires, nous ne sommes pas contre nos frères chiites », précise le communiqué. La veille, le 26 janvier, 11 pèlerins iraniens avaient été enlevés entre Alep et Damas. Les ravisseurs auraient laissé repartir le bus avec les femmes.
Pour Téhéran, cette mise en demeure est d’autant plus inquiétante que le Conseil national syrien (CNS), principale plateforme d’opposition, reprend à son compte les accusations de l’ASL de « participation du régime iranien au massacre des Syriens ». En décembre, Burhan Ghalioun, président du CNS, avait déclaré que le nouveau pouvoir syrien romprait la « relation privilégiée » avec Téhéran.
Au moment où l’Iran se trouve sous une pression sans précédent à cause de son programme nucléaire controversé, la possible chute du régime Assad est une mauvaise nouvelle. Elle la priverait de son principal et plus ancien allié arabe et isolerait le Hezbollah libanais, son bras armé au nord d’Israël. Il est donc essentiel de soutenir Damas. D’autant qu’à l’hostilité croissante des Syriens à l’Iran fait écho la sympathie, sur le Web, des opposants iraniens pour cette révolution qu’ils envient : en décembre, l’effigie de Bachar Al-Assad a été brûlée dans un stade du nord de l’Iran.