Le Canard enchainé, 24 septembre 2014 – Rien. Vide. Du vent. Le tonitruant dossier en terrorisme monté en 2002 par le juge Bruguière à l’encontre des Moudjahidine du peuple, opposants au régime des mollahs iraniens, vient d’être purement et simplement envoyé à la corbeille par son confrère Marc Trévidic. Ce magistrat, bien peu laxiste, qui avait hérité de l’instruction en 2009, a rejeté, par un non-lieu général, les dernières accusations portées contre cette organisation. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, et le juge Bruguière, ancien maître dans la fabrication de terroristes, avaient pourtant fait les choses en grand.
Le 17 juin à 6 heures, Sarko lance 1200 policiers et 80 gendarmes du GIGN à l’assaut d’une organisation qu’il a qualifiée de « secte parmi les plus brutales et les plus cruelles d’islamistes intégristes doublés des derniers vestiges du marxisme le plus intégriste », fermez le ban. Cela fait treize mois que la DST enquête sur les exilés d’Auvers-sur-Oise. Selon elle, l’ « organisation terroriste, très menaçante », va passer à l’attaque, y compris en France. Des « cadres militaires » viennent d’arriver de Bagdad, certains militants s’entrainent à devenir kamikazes. La bombe est prête et la mèche allumée.
Près de 170 Iraniens sont interpellés, 17 mis en examen et 11 incarcérés, notamment pour détention de « matériel de type militaire ». « On tremble », cancane « le Canard » à l’époque (25/6/03), qui relève que cet arsenal est constitué de « paraboles, récepteurs GPS et ordinateurs ». Pour protester contre les arrestations, trois militants s’immolent pas le feu. Dont une femme, qui ne survivra pas.
Formidable coïncidence, la France était alors en train de renouer de solides liens avec l’Iran. Dîner amical de Villepin, ministre des Affaires étrangères, avec son homologue iranien à Téhéran, gros contrats avec Total, Alcatel, Renault. Le Conseil national de la résistance iranienne, monnaie d’échange diplomatique offerte aux mollahs ? « Le Canard » l’écrit à l’époque, rappelant que la France ne vient pas d’arrêter des enfants de chœur, certes, mais les opposants armés à un régime qui a encouragé les attentats sanglants commis sur son sol en 1986.
Un mois après la rafle, tout le monde est relâché, les assignations à résidence et les expulsions sont suspendues par le tribunal administratif. Un fiasco. En 2011, les accusations criminelles s’éteignent. Et, aujourd’hui, alors que le mouvement ne figure plus sur la liste des organisations terroristes, les présumés délits financiers s’effondrent.
Du grand coup de filet d’Auvers-sur-Oise ne restent que deux Iraniens, jugés et relaxés en 2008 pour « provocation au suicide », parce qu’ils fréquentaient les militants immolés par le feu.
Un triomphe pour Sarko et son juge…