Iran Focus, Londres, 27 août Le meurtre de sang-froid de trois Kurdes iraniens dans un camp de réfugiés dans louest de la capitale irakienne et lenlèvement de deux opposants iraniens récemment ont conduit à des spéculations comme quoi le nouveau gouvernement ultraconservateur à Téhéran profite de laggravation de la situation en Irak pour liquider ses opposants qui ont trouvé refuge dans le pays voisin.
Les Iraniens du camp Al-Tash près de la ville de Ramadi ont rapporté cette semaine que trois réfugiés kurdes dIran vivant dans le camp ont été abattus par des tireurs non identifiés. Les plaintes répétées des familles auprès des autorités irakiennes nont pas conduit à des enquêtes sur les meurtres, disent les habitants du camp.
Mardi, des hommes armés sont entrés dans le camp et ont enlevé Adel Rassoul Maref, un Kurde iranien, en plein jour. Rien na filtré sur son sort depuis.
Vendredi 19 août, huit hommes armés ont lancé un raid contre le domicile de Galavij Mohammad, un réfugié kurde iranien vivant à Al-Tash. Il a été enlevé sous la menace des armes, avec sa fille, Zana. Leurs corps criblés de balles ont été retrouvés par des habitants du camp à environ deux kilomètres de là.
Jeudi 4 août, deux opposants iraniens des Moudjahidine du peuple (OMPI ou MeK) ont été enlevés par des hommes armés du ministère de lintérieur en uniforme de policier irakien et dans des voitures de patrouille.
« Un plan se dessine clairement », a estimé Ahmed Shaikhli, un scientifique politique et universitaire à Bagdad, dans une interview téléphonique. « Durant deux ans, depuis linvasion américaine, il ny a pas eu dattaque majeure contre les réfugiés en Irak. Nous constatons à présent un nombre significatif denlèvements et de meurtres. La questions est évidente: pourquoi maintenant ? »
Les analystes pensent que la nouvelle violence contre les opposants iraniens dans un Irak déchiré par la guerre reflète la nouvelle vision des dirigeants ultras de Téhéran de la situation chez leur voisin.
« Les gardiens de la révolution iraniens ont des protégés loyaux à des postes élevés dans certains ministères et des organisations paramilitaires en Irak », affirmé Tim Hawkins, un analyste politique qui couvre les événements en Irak depuis le Koweït. «Ce qui dissuade les Iraniens dune approche plus violente dans le passé était leur peur des représailles américaines. A présent la direction iranienne pense quelle a une possibilité dagir contre ses opposants en Irak parce que les Américains sont profondément embourbés dans leurs propres problèmes. »
Les autorités gouvernementales iraniennes nont cessé dexiger que les dirigeants iraniens en Irak, particulièrement 4000 membres de lOMPI vivant dans la base Achraf gardée par les Américains, dans le nord de Bagdad, soient livrés à Téhéran ou expulsés dIrak. Dans une rencontre avec le président irakien Jalal Talebani, le plus haut diplomate iranien à Bagdad a de nouveau soulevé la question, daprès la presse iranienne.
Marc Henzelin, ténor du barreau genevois et expert en droit des conflits armés, a affirmé que les forces de la coalition en Irak ont le devoir, sous la loi internationale, de protéger les opposants et les réfugiés iraniens dans ce pays, car ils tombent sous la protection internationale de la Quatrième Convention de Genève.
« La loi est très claire à ce sujet : ces personnes doivent être protégées contre la violence, les enlèvements et lexpulsion forcée, y compris le renvoi en Iran, où ils devraient faire face à de graves conséquences », a déclaré Henzelin, qui est un professeur de droit humanitaire international à luniversité de Genève.
Ahmed Shaikhli pense que des personnalités politiques irakiennes ne doivent pas saccommoder de ce quils appellent les « demandes inacceptables » de lIran, y compris des actions contre les réfugiés iraniens en Irak. Il a averti que les politiciens irakiens perçus comme au service des intérêts iraniens risquent de faire un mauvais résultat dans les prochaines élections en décembre.
« Il y a un ressentiments profond entre les irakiens ordinaires contre ceux qui se soumettent à lIran », dit Shaikhli. « La plupart des irakiens aspirent à un gouvernement démocratique, séculaire et décent qui défende les intérêts nationaux de lIrak, pas ceux de lIran. Vous verrez ce ressentiment se traduire par des votes dans les prochaines élections. »
Pour linstant tout du moins, le danger qui menace les opposants iraniens et les réfugiés politiques en Irak préoccupe la Force Multi Nationale en Irak (FMN-I), et les organisations internationales. La FMN-I dirigée par les USA a fermement condamnée lenlèvement des deux hommes de lOMPI, affirmant quelle travaillait avec les autorités irakiennes pour les retrouver.
Le bureau à Genève du Haut commissaire de lONU pour les droits de lHomme et le Comité internationale de la Croix-Rouge ont aussi exprimé leur inquiétude sur ce rapt aux autorités irakiennes et de la coalition, selon les familles des victimes.
Alors que le monde assiste aux scènes effroyables de violence en Irak, les familles et les proches des réfugiés iraniens assassinés dans ce pays pleurent leurs morts en silence.