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En Iran, la direction de la minorité bahaïe décapitée après une vague d’arrestations

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En l’absence de tout clergé (c’est une "assemblée spirituelle" qui, dans chaque pays, gère les affaires de la communauté, forte de 7 millions de membres dans le monde) et, depuis la Révolution islamique de 1979, de toute direction élue en Iran, c’est un petit noyau d’individus, les yaran ("amis"), qui assure clandestinement l’information et l’administration des bahaïs demeurés au pays.

La rafle que ceux-ci viennent de subir aboutit donc, de fait, à la décapitation de cette minorité, dissidence de l’islam chiite persécutée dès sa naissance au XIXe siècle. Le secrétariat d’Etat américain, le gouvernement canadien, la présidence de l’Union européenne ont élevé des protestations. Trois nouvelles arrestations ont eu lieu vendredi 23 près de Babol (Nord), sans aucun motif précisé.

A l’intérieur même de l’Iran, l’avocate et Prix Nobel de la paix 2003 Shirin Ebadi vient de rédiger un rapport sur "la violation systématique des droits de l’homme en Iran". Elle y dénonce le fait qu’une soixantaine de personnes (dissidents, journalistes, féministes…) aient été condamnées à des "peines dégradantes de prison et de fouet" durant l’année écoulée, tandis que les bahaïs sont "privés d’emploi et d’accès à l’université".

De plus, geste plutôt inhabituel, depuis la ville sainte de Qom, le grand ayatollah Montazeri, écarté de la succession de l’ayatollah Khomeiny, fondateur de la République islamique, pour s’être montré trop critique, a publié lui aussi un texte sur la question bahaïe. Répétant que les bahaïs ne sont pas reconnus comme minorité religieuse, il insiste cependant sur le fait que ce sont des "citoyens iraniens" à part entière, qui ont des droits et devraient bénéficier de la "compassion islamique professée dans le Coran".

Depuis les exactions et les exécutions qui avaient suivi la Révolution de 1979, la répression à l’encontre des bahaïs n’a jamais cessé. Avec l’élection du président Mahmoud Ahmadinejad en 2005, elle s’est accrue : fichage policier des fidèles ; harcèlement jusque dans les écoles où les enfants bahaïs sont pressés par leurs enseignants de renier leur foi ; incitation à la haine dans certains organes de presse gouvernementaux ; profanation de cimetières. En quatre ans, deux cents bahaïs ont été détenus pour des temps plus ou moins longs et cinq d’entre eux sont en prison depuis deux ans.

Ce qui ressemble à un plan délibéré d’exclusion de la société iranienne serait dû, entre autres, au radicalisme religieux du président Ahmadinejad, membre de l’association islamique anti-bahaï Hodjatieh. Même si le messianisme chiite de son discours est loin de faire l’unanimité dans la direction spirituelle iranienne. Ses références fréquentes au Mahdi – l’"imam caché" et le Messie de la tradition chiite – jouent particulièrement en défaveur d’une minorité bahaïe accusée d’apostasie depuis sa fondation.

Son fondateur, Mizra Ali Mohammed, surnommé le "Bab" (la "porte"), mystique chiite fusillé à Tabriz (1820-1850), et son successeur, un prince persan vénéré sous le nom de "Baha’u’llah" ("Splendeur de Dieu"), ont forgé une foi bahaïe qui n’est ni une simple réforme de l’islam chiite ni un syncrétisme, mais se veut une religion nouvelle, avec son messager divin, ses écrits sacrés, ses règles et son calendrier. Baha’u’llah est mort en prison en 1892, à Saint-Jean-d’Acre, près d’Haïfa (aujourd’hui en Israël), actuel lieu saint des bahaïs, ce qui explique des accusations répétées de sionisme.

Selon l’islam, qui entend récapituler et clore le cycle des traditions monothéistes, il ne peut y avoir de révélation divine après la mort du Prophète au VIIe siècle. D’où la férocité exercée contre les bahaïs qui représentent, en outre, un défi pour le monde musulman, notamment iranien, en affichant une volonté de modernité religieuse : liberté de religion, droit de pouvoir changer de confession, égalité homme-femme, accord entre la foi et la raison, respect du pluralisme religieux et dialogue avec les autres religions.
La minorité religieuse bahaïe d’Iran – 300 000 fidèles – est sans nouvelle des six membres de sa direction (Jamal-Eddin Khanjani, Vahid Tizfahm, Behrouz Tavakkoli, Saïd Rezaï, Afif Naïmi et Farida Kamal-abadi) arrêtés et incarcérés le 14 mai à la prison d’Evin, à Téhéran. Une septième dirigeante, Mahavash Sabet, avait été appréhendée le 5 mars.

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