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La lauréate iranienne du prix Nobel en a marre des réformes. Elle veut un changement de régime

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« Les réformes sont inutiles en Iran », m’a confié Ebadi dans une interview jeudi. « Le peuple iranien est très insatisfait de son gouvernement actuel. Ils en sont arrivés à un point où ils ont compris qu’il n’est pas possible de réformer ce système. »

Pour Ebadi, le moyen de mettre un terme à la tyrannie en Iran devrait être un référendum sur la constitution suivi par les Nations-Unies et proposant un changement fondamental : la suppression de la fonction non-élective du Guide Suprême. Les iraniens, a-t-elle déclaré, « veulent changer notre régime, en changeant notre constitution en une constitution laïque basée sur la déclaration universelle des droits de l’homme. »

Le radicalisme d’Ebadi, ainsi que les manifestations de masse qui ont débuté fin décembre, constituent un puissant reproche au consensus sur la politique étrangère parmi de nombreux progressistes Occidentaux qui attendent toujours du président iranien, Hassan Rohani, qu’il procède aux réformes qu’il a promises lors de ses campagnes de 2013 et de 2017.

Ebadi m’a dit qu’elle n’avait jamais cru que Rohani était un réformateur. Néanmoins, elle a également affirmé qu’elle hésitait à exhorter à un renversement du régime, parce que la révolution de 1979 était si traumatisante. C’est pourquoi elle dit que le soulèvement actuel n’a pas un seul chef de file. « Au cours de la lutte, les leaders émergeront », m’a-t-elle confié. « Lorsqu’il y aura des élections libres en Iran, les leaders s’afficheront ».

Ebadi a d’abord fait connaître son point de vue à travers un communiqué publié en février avec 13 autres dissidents et défenseurs des droits de l’homme pour exhorter au référendum. Cependant, dans l’interview qu’elle m’a accordée, elle a, pour la première fois, été plus spécifique concernant ce que les gouvernements Occidentaux et en particulier l’administration Trump peuvent faire pour aider les Iraniens dans leur lutte.

Pour commencer, elle a précisé qu’elle ne demandait pas une invasion militaire de l’Iran ou une quelconque forme d’ingérence des États-Unis dans le mouvement lui-même. « Le changement de régime en Iran devrait avoir lieu en Iran et grâce aux Iraniens », a-t-elle déclaré. « Mais vous pouvez aider les Iraniens à atteindre leur propre objectif. »

À cette fin, Ebadi avait quelques recommandations. L’idée de base est que l’Occident devrait appliquer des sanctions qui affaiblissent le régime, mais ne blessent pas les Iraniens eux-mêmes. Par exemple, Mme Ebadi affirme que les gouvernements américains et européens devraient sanctionner la Radio-Télévision de la République Islamique d’Iran ou IRIB. Ce conglomérat contrôle les médias en Iran et assure également la propagande étrangère de l’Iran, via des canaux tels que la chaîne anglaise Press TV et la chaîne arabique Al-Alam.

Il y a quelques autres entités qui méritent davantage de censure et de sanction. En Iran, l’IRIB retransmet une émission de télévision hebdomadaire qui diffuse les aveux forcés de prisonniers politiques. Pour Ebadi, c’est personnel. Une de ces émissions mettait en vedette son époux après qu’il ait été piégé à la manière soviétique et filmé avec des prostituées en train de boire de l’alcool. Alors qu’il se trouvait dans la prison d’Evine, le mari d’Ebadi a été flagellé et menacé de mort par lapidation pour adultère s’il n’avouait pas les prétendues activités illégales de sa célèbre épouse. Finalement, il a cédé. « Mon mari a été forcé de confirmer la prétendue véracité de toutes les accusations qu’ils portent régulièrement contre moi », a-t-elle déclaré.

Donc Ebadi a déclaré que cibler l’IRIB est un bon moyen pour paralyser la capacité du régime à attaquer ses opposants et à diffuser sa propagande. Le concept est simple. Elle a déclaré qu’aucun fournisseur satellitaire Occidental ne devrait permettre à l’IRIB de diffuser sa propagande à l’international.

Ebadi m’a confié qu’elle hésitait à réimposer certaines des sanctions les plus paralysantes qui ont été levées en 2016 dans la mise en œuvre de l’accord nucléaire avec l’Iran. Les sanctions secondaires sur la banque centrale iranienne, a-t-elle déclaré, ont profité à des personnalités proches du régime qui ont fait fortune en cachant l’argent des élites du régime. Pendant ce temps, les Iraniens moyens ont été victimes d’hyperinflation.

Cela dit, M. Ebadi a déclaré que les entreprises européennes étaient sages de ne pas avoir continué de faire des affaires avec l’Iran. « Ils hésitent à investir dans un pays sans stabilité politique », a-t-elle déclaré. « Comment pouvez-vous faire confiance à un gouvernement quand tous les jours dans plusieurs régions du pays, la population manifeste et est malheureuse ? Mon message au gouvernement des mollahs est le suivant : si vous voulez des capitaux étrangers et la création d’emplois, vous devez rendre la population heureuse. »

Pour l’instant, Ebadi pense qu’il est important que les États-Unis établissent un canal vers l’opposition iranienne légitime et indépendante. Ceci est, cependant, plus compliqué qu’il n’y paraît. Elle a mis en garde contre le fait que le régime avait mis en place toutes sortes de fausses organisations non gouvernementales et de groupes à l’étranger qui semblent indépendants, mais qui sont, en réalité, menées par le bout du nez par le gouvernement.

On peut citer comme exemple, le groupe connu sous le nom d’Organisation pour la défense des victimes de la violence, qui a représenté la société civile iranienne aux réunions annuelles du Conseil des droits de l’homme des Nations-Unies. En 2011, le Centre pour les droits de l’homme en Iran l’a décrit comme « une ONG qui, malgré son nom, n’a rien fait durant la session pour défendre les droits des Iraniens qui ont été victimes de violence ». En effet, Ebadi m’a confié que l’ancien directeur exécutif de cette ONG, Alireza Taheri, était son interrogateur lors de son arrestation en 2005.

Un autre exemple mentionné par Ebadi était le Conseil national irano-américain, ou NIAC. Le NIAC a joué un rôle important dans la défense de l’accord nucléaire du président Barack Obama avec l’Iran. Ebadi m’a confié qu’elle regrettait d’avoir participé à un événement avec le NIAC en 2011. « Quand j’ai analysé ce qu’ils disent et font, » a déclaré Ebadi, « j’ai réalisé que ce qu’ils disent est plus proche de ce que le gouvernement dit que de ce que la population désire. »

Ebadi a déclaré qu’elle appuierait une nouvelle organisation d’irano-américains pour soutenir le mouvement de libération de son pays – « une organisation qui serait indépendante du gouvernement des mollahs et du gouvernement américain. »

Les propositions d’Ebadi représentent un réel défi pour les libéraux Occidentaux qui espèrent toujours que le fait d’impliquer le régime conduira à une réforme. Ebadi a perdu cet espoir. « La population est spontanément descendue dans la rue dans 70 villes et a appelé à un référendum », a-t-elle déclaré. « En tant que défenseuse des droits de l’homme, j’ai le devoir d’aider notre peuple à atteindre ces objectifs. »

Cet objectif est un référendum pour rejeter le noyau même de la République islamique : la gouvernance par un Guide Suprême théocratique. Ebadi demande de la solidarité. Les libéraux Occidentaux se joindront-ils à elle ?

Par
Eli Lake

Source: Bloomberg

 

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