Associated Press, 27 avril – Le mois dernier, 31 militantes défendant la cause des femmes en Iran ont été arrêtées, molestées et conduites en prison. Une répression qui illustre le recul des droits des Iraniennes depuis l’arrivée au pouvoir du président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad.
Les 31 militantes ont été accusées de recevoir des fonds de l’étranger pour semer la contestation en Iran. Mais leur seul crime, assure l’une d’elles, Mahboubeh Abbasgholizadeh, est de s’être rassemblées devant un tribunal de Téhéran pour soutenir cinq camarades jugées pour avoir demandé la modification de lois discriminatoires contre les femmes.
Le code pénal iranien est fortement influencé par des interprétations de l’islam favorables aux hommes. Par exemple, dès l’âge de neuf ans les fillettes sont considérées adultes: elles peuvent ainsi être jugées en tant que telles au pénal, et encourir la peine de mort. En revanche, les garçons deviennent légalement adultes à 15 ans.
Une fille peut se marier dès 13 ans, mais son père peut la marier avant si un tribunal l’y autorise. Si un homme et une femme sont blessés dans un accident, l’homme obtient deux fois plus de dommages-intérêts. Les femmes doivent avoir la permission d’un père ou d’un mari pour voyager.
Les hommes ont le droit incontesté de divorcer et peuvent pratiquer la polygamie, rare dans les villes mais plus fréquente dans les campagnes. La femme reçoit moitié moins d’héritage et peut être condamnée à mort par lapidation pour adultère, peine appliquée une seule fois depuis 1998.
Les droits des Iraniennes, en progrès sous la présidence du réformateur Mohammad Khatami, sont en recul depuis l’arrivée au pouvoir de Mahmoud Ahmadinejad en août 2005.
Alors que l’attention internationale se porte sur la crise diplomatique liée au nucléaire iranien, les atteintes aux droits des femmes se sont intensifiées et la crainte d’une attaque américaine sert souvent de prétexte à ce durcissement, selon les militantes.
Ces dix derniers mois, les forces de sécurité sont « devenues de plus en plus agressives alors même que les actions des femmes sont de plus en plus pacifiques et douces », souligne Jila Baniyaghoub, une militante qui a également été emprisonnée. « En serrant la vis, ils cherchent à nous faire comprendre qu’ils ne toléreront plus la moindre critique. »
Une des premières décisions d’Ahmadinejad fut de remplacer le Centre pour la participation des femmes, organisme gouvernemental créé pour promouvoir les droits des Iraniennes, par un « Centre pour les femmes et les affaires familiales », nouvelle appellation qui reflète sa conviction que la place des femmes est essentiellement à la maison. Depuis le début de sa présidence, l’accès à Internet a été restreint, presque tous les journaux pro-réformateurs fermés et les militantes disent être davantage surveillées.
Mme Abbasgholizadeh, mère divorcée de 48 ans, et d’autres se battent contre les lois autorisant la lapidation, la polygamie, favorisant les hommes en matière d’emploi et d’héritage ou refusant aux divorcées la pleine garde de leurs enfants.
Loin de reculer, le gouvernement est en train d’élaborer une loi pour limiter le nombre d’étudiantes à la moitié des inscrits dans les universités (elles y sont 65% aujourd’hui) et restreindre leur accès aux écoles de médecine. Par ailleurs, les femmes fonctionnaires doivent quitter leur travail à 18h au plus tard, pour rentrer s’occuper de leur famille.
Et une fois encore, avec l’arrivée de l’été, les autorités s’en prennent aux femmes pas assez « couvertes ». Selon la police, plus de 200 femmes ont été arrêtées depuis le début de l’année et libérées après avoir promis de s’habiller de manière plus conservatrice.
Le 12 juin 2006, la police avait dispersé à Téhéran un rassemblement de 5.000 femmes demandant des réformes. Soixante-dix personnes avaient été interpellées et cinq organisateurs arrêtés. Les 31 militantes arrêtées le 4 mars dernier ont été rapidement relâchées, sauf Mme Abbasgholizadeh, qui a passé 15 jours en prison dans des conditions particulièrement difficiles, et son avocate Shadi Sadr.
Durant sa détention, Mme Abbasgholizadeh a été interrogée cinq fois par un agent du ministère du Renseignement. « J’ai essayé de les convaincre que réclamer nos droits n’avait rien à voir avec l’ennemi », dit-elle. Mais on lui a affirmé que « des gouvernements étrangers exploitaient (la) cause » qu’elle défend.