IranIran (actualité)Iran - Maryam Radjavi : "Nous sommes des résistants"

Iran – Maryam Radjavi : « Nous sommes des résistants »

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L’Echo-Régional, 15 juin –
L’ECHO-REGIONAL : – Madame la Présidente, à la veille du deuxième anniversaire de la spectaculaire opération policière du 17 juin 2003 contre le siège de votre organisation à Auvers-sur-Oise, quel bilan en tirez-vous ?

Maryam RADJAVI : – Tout ceci était le résultat d’un marchandage commercial concernant la coopération nucléaire civile entre la France et l’Iran. Le régime des mollahs avait fourni de fausses informations aux autorités françaises, qui ont été victimes d’une mauvaise interprétation du contexte international de l’Iran. Impossible de ne pas comprendre que l’opération du 17 juin 2003 était le résultat d’une décision politique et non une question d’ordre judiciaire. Je vous rappelle que le bureau du Conseil national de la résistance (CNRI) existe depuis 1981. Depuis cette date, il était officiellement protégé par la police française. A cela, une bonne raison : les assassinats politiques d’opposants, perpétrés par les agents du régime des mollahs en France et en Europe.

– Donc, selon vous, l’action du RAID et de la police judiciaire n’avait rien de judiciaire ?

– Deux ans après, le dossier reste vide, comme au départ. Le régime des mollahs a fait beaucoup d’efforts pour apporter de l’eau au moulin de l’accusation de terrorisme portée contre nous et pour susciter d’autres allégations. L’année dernière, ils ont essayé à plusieurs reprises, par le biais de constitutions de partie civile, de s’ingérer dans ce dossier. Mais heureusement toutes ces demandes ont été rejetées par le parquet. Il a été ainsi reconnu, indirectement, qu’il n’existait aucune preuve d’une activité terroriste contre notre organisation. Pour éviter un non-lieu, le dossier a alors pris une nouvelle tournure, d’ordre financier. On nous accuse à présent de blanchiment d’argent. C’est tout simplement ridicule et cela aboutira aussi à
une impasse.
L’étiquette de terroriste, inspirée par les mollahs, vise à entacher notre mouvement qui lutte contre une dictature religieuse. Nous avons le droit à la résistance. Le peuple français connaît bien ce mot de résistance. Des hommes comme Jean Moulin, comme Missac Manoukian, furent eux aussi taxés de terrorisme. Le général de Gaulle aussi…

– Le choc du 17 juin 2003 a-t-il changé les liens que vous entreteniez avec les Auversois ?

– Cet événement a eu beaucoup de répercussions. Le jour de l’attaque, il y a eu des scènes douloureuses, ici, à Auvers. Des adolescentes, des vieillards et des mères de martyrs ont gardé des séquelles et des bleus. Pour investir nos locaux, il n’y avait pas besoin d’une telle violence. Pendant la grève de la faim qui a suivi, et alors que je me trouvais moi-même détenue, des Français nous ont soutenus. Certains étaient aux côtés des grévistes jour et nuit, ils leur apportaient de l’eau. Des Auversois avaient même ouvert les portes de leur maison. Plus tard, quand j’ai su tout cela, j’ai été très émue et impressionnée. Vous savez, le 3 juillet 2003, quand j’ai été remise en liberté, le maire d’Auvers Jean-Pierre Becquet, nos amis français, les voisins de Cergy, de Pontoise, des personnalités de tous horizons, les défenseurs des droits de l’homme, tous nous ont exprimé leur soutien.
Quand je les ai vus, j’ai dit aux journalistes: « Ce sont eux qui représentent la France ». Je préfère voir cette France-là. Certains m’ont dit qu’ils avaient honte de ce qui s’était passé et que les valeurs de leur pays, berceau de la démocratie et des droits de l’Homme, avaient été décapitées.

– Au début, le gouvernement français a pu penser que vous pouviez constituer une alternative possible au régime des mollahs, ce qui explique que votre mouvement était protégé. Aujourd’hui, avez-vous rompu tout contact avec la diplomatie française ?

– Le régime des mollahs a dépensé des sommes colossales pour améliorer ses relations internationales.
Ces dernières années, ce régime était dans une situation critique donc il a eu recours aux Occidentaux et à la France en particulier pour freiner le processus de son renversement. Les mollahs ont posé comme condition à toute relation économique que l’Etat français rompe toutes ses relations avec la Résistance. Cela a été une demande incessante des mollahs à chaque rencontre diplomatique. Nous regrettons que la France ait répondu positivement à cette exigence. La France pouvait garder ces relations et ne pas renoncer à ses principes démocratiques sur son propre territoire. C’est pourquoi, depuis la rafle de 2003, nous n’avons plus de relations avec le gouvernement français. Mais nous avons gardé des contacts avec les partis politiques, des élus et des représentants des droits de l’Homme.

– Avez-vous été totalement surprise par la rafle ?

– Surprise oui, et très choquée. Quand j’étais en Iran, chaque jour, je m’attendais à l’arrestation, à la détention voire même à être exécutée, comme les 120 000 personnes qui sont tombées en martyrs.
A tout moment je m’attendais à me retrouver dans les prisons de Khomeiny. Mais pas dans une prison française, le pays des droits de l’Homme! Devant le juge de la liberté et de la détention, j’ai dit :
“ Vous pouvez me maintenir en prison mais sachez que jamais je ne renoncerai à ma cause. Vous savez bien que cette étiquette de terroriste est une plaisanterie.” Pourquoi nous résistons ? Parce que c’est un droit pour le peuple iranien face à une dictature. Si résister à une dictature aussi déplorable que celle des mollahs est un crime, alors nous sommes fiers de ce crime !

– Pendant votre incarcération, plusieurs personnes se sont immolées par le feu. Certains ont alors qualifié votre mouvement de “secte”. Approuvez-vous ces immolations et comment les analysez-vous ?

– Je dois dire la douleur et la souffrance que j’ai ressenties pour les martyrs qui ont eu recours à cet acte extraordinaire. Je souffre toujours en y pensant et je ne serais soulagée que le jour où le peuple iranien sera libéré. Je n’ai appris ces immolations que tardivement, le deuxième jour de mon interpellation. J’ai demandé au juge et aux policiers à pouvoir sortir devant les manifestants pour faire passer un message de stopper ces immolations. Mais les enquêteurs n’ont pas voulu. Il faut vous représenter le sentiment de panique de nombreux Iraniens en exil qui pensaient que nous allions être extradés et livrés aux mollahs.

J’ai demandé au juge et aux policiers de me laisser au moins sortir en silence, pour montrer que nous étions sains et saufs et que personne n’avait été extradé. La seule chose qu’ils ont acceptée c’est un message écrit dans lequel j’ai demandé aux sympathisants de garder leur calme et de ne pas porter atteinte à leur vie.
Malheureusement c’était trop tard. Je n’approuve pas ces immolations, mais la responsabilité en revient à ceux qui ont provoqué les événements du 17 juin. C’est eux qui devront rendre des comptes.

Vous rappelez le mot “secte”. Quand l’accusation de terrorisme s’est révélée vide de tout contenu, on a utilisé ce mot pour dénigrer le mouvement et le diaboliser. Une secte est un mouvement qui n’a pas de cause sociale. Or notre mouvement défend la plus grande cause sociale : celle de la liberté et de la démocratie d’un peuple. Nous avons une hiérarchie connue, nous avons des bureaux connus dans une trentaine de pays, nous avons un travail de relations publiques. Notre mouvement a toujours eu ses portes ouvertes. Vous connaissez beaucoup de secte comme cela ?

– Pourquoi l’inscription de l’Organisation des Moudjahidines du peuple d’Iran (OMPI) sur la liste des organisations terroristes ? Est- ce que cela participe du “complot des mollahs” que vous dénoncez ?

– Exactement. Cette désignation du département d’Etat américain puis de l’Union européenne, c’était une demande explicite du gouvernement iranien. Les mollahs l’avaient demandé aux Etats-Unis comme une condition au rapprochement. Et une des conditions de l’Iran dans les négociations sur le nucléaire avec la troïka européenne (France, Allemagne, Grande- Bretagne N.D.L.R.) c’était le maintien de l’OMPI sur la liste des organisations terroristes. C’est même évoqué clairement dans une dépêche de l’AFP relatant le texte préparatoire d’une réunion en 2004 entre l’Iran et la troïka européenne. Cette inscription n’a aucun fondement juridique. En Iran, cela a joué comme un feu vert pour accentuer les arrestations. Cette désignation a pris beaucoup d’énergie à notre mouvement et un certain nombre d’actions ont été bloquées ou freinées. C’était très habile de la part des mollahs. Au niveau des médias, ils ont fait en sorte que notre cause ne puisse pas avoir d’écho.

– Vous avez dit que l’enquête du juge s’orientait dorénavant sur le financement de votre organisation. On parle d’un circuit de blanchiment via notamment des associations humanitaires comme Iran Aide, une association qui vient en aide aux orphelins iraniens. Que répondez-vous à cette accusation ?

– Nos ressources financières proviennent du peuple iranien, avant tout. Plus de 500.000 Iraniens sont menacés pour leur soutien à la résistance. Si le régime connaît un Iranien qui apporte un soutien financier à la résistance, il le persécute. Le 3 juillet j’ai proposé au parquet qu’il y ait une commission d’enquête. La résistance est prête à répondre à toutes les questions sur l’argent que les policiers ont confisqué, à notre siège, jusqu’au dernier centime. Car cela fait partie d’une des pages les plus brillantes de notre Résistance. Mais ne croyez pas que l’opération du 17 juin a tari les aides dont nous bénéficions. Après le 17 juin, des
Iraniens sont venus de l’intérieur, un médecin notamment. Il est venu avec un million de dollars, après avoir vendu une partie de ses biens. Et quand le régime a compris, ensuite, qu’il transférait le reste de ses avoirs, pour aider la résistance, il les a bloqués. L’argent c’est une accusation qui est venue après coup, après que les inculpations de terrorisme n’aient abouti à rien. On veut faire traîner le dossier. Je suis prête à divulguer l’origine de nos ressources à condition que les renseignements soient protégés et ne se retrouvent pas sous les yeux des autorités iraniennes.

– Que voulez-vous dire exactement ?
– Nous retrouvons des éléments du dossier d’instruction sur des sites du gouvernement iranien. Par exemple, des décisions de justice en France. Une personne a demandé un allégement de son contrôle judiciaire pour pouvoir voyager. Il a fourni pour cela l’itinéraire de son voyage. Eh bien, cet itinéraire était connu de services de renseignements iraniens avant même la décision du juge. Les avocats sont en train de suivre cette affaire mais ce qui s’est produit n’est pas acceptable.

– Une plainte a été déposée contre vous le 19 janvier dernier auprès du tribunal de grande instance de Paris pour « atteinte répétée à la vie, à l’intégrité physique et psychique » par d’anciens membres de votre organisation qui allèguent des cas de torture et de séquestration. Ce sont des accusations très graves…

– Cela fait partie des tentatives des mollahs pour influer sur le dossier. On essaye d’introduire de nouvelles accusations. Jusque-là nous n’avons eu aucun signe du parquet. Mais ces personnes sont des maillons connus. Le dossier du 17 juin est déjà rempli de faux témoignages. Notre organisation a déjà révélé que ces « nouvelles » personnes qui nous accusent sont des agents des services iraniens.

– Pourtant, ces accusations se retrouvent dans un rapport publié en mai dernier par l’association internationale Human Rights Watch, connue pour son sérieux. Des anciens membres de l’OMPI disent avoir été détenus dans des prisons secrètes en Irak, mis à l’isolement car ils voulaient quitter l’organisation. Ils parlent de violences verbales, physiques, de tortures même.

– Même une association comme Human Rights Watch n’est pas à l’abri de manipulations. Des experts ont dit que ce rapport n’avait pas de valeur car il n’a pas respecté la méthodologie pour ce type d’enquête. Notamment, le fait d’aller questionner les personnes qui sont mises en cause. Là, personne n’a été interrogé. Lord Avebury, le fondateur du groupe parlementaire britannique des droits de l’Homme a vivement protesté. Le colonel Philipps qui a été le responsable de la sécurité de la base Achraf en Irak de janvier à décembre 2004 conteste la validité et la crédibilité de ce rapport. Le régime des mollahs utilise tous les leviers possibles pour entacher la résistance. Quand on voit tous ses efforts, cela montre bien que la résistance est prise au sérieux.

– Pensez-vous rester à Auvers-sur-Oise, malgré ce qui s’est passé voici deux ans ?

– Oui, je suis heureuse ici. Il y a des liens très profonds, humains et même familiaux entre notre communauté et la population. Je voudrais d’ailleurs en profiter pour dire à tous les Valdoisiens que je les aime beaucoup et que je les remercie beaucoup. Pour moi ils reflètent les vraies valeurs de la France. Je leur suis reconnaissante pour leur soutien, car ils ont envoyé un message très clair au peuple iranien en lui disant qu’ils se trouvaient à leurs côtés, et non aux côtés de la dictature.

Propos recueillis par Jean-François DUPAQUIER et Caroline NUGUES

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