The Wall Street Journal
18 octobre – Par Paulo Casaca – Commentaire
En avril dernier, lors dun voyage en Irak, jai passé plusieurs jours dans une base au nord-est de Bagdad où vivent plusieurs milliers dIraniens. Ils sagissaient de membres des Moudjahidines du peuple dIran, une organisation que le régime de Téhéran considère comme son ennemi numéro un, avec lAmérique et Israël.
Quand je suis arrivé à la base après avoir voyagé à travers lIrak, jai eu limpression datteindre une oasis. Avec une police routière qui donne des contredanses pour excès de vitesse, Achraf est le seul endroit en Irak où le code de la route est respecté et appliqué. Les gens pouvaient se déplacer en paix et en toute liberté. Linfrastructure urbaine, comme leau, le système sanitaire et lélectricité, était très bien entretenue par les Iraniens eux-mêmes.
Limmense enclave ressemblait à un microcosme dun autre Iran. Ici, où tous les panneaux de signalisation routière sont en persan et en anglais, jai trouvé une extraordinaire collection dactivistes ayant fait pour la plupart des études supérieures et de classe moyenne, unis par la haine du régime intégriste islamique dans leur patrie.
Jai aussi été frappé par la diversité culturelle : des dizaines de bibliothèques bien fournies, plusieurs théâtres et cinéma, cinq orchestres, et selon Kamyar Izadpanah, un compositeur formé aux Etats-Unis, un des meilleurs conservatoires de musique persane au monde. Deux universités monté avec laide de professeurs de luniversité de Bagdad enseigne une vaste gamme de matières allant du droit à ingénierie.
Environ un tiers de ces opposants sont des femmes, et les femmes occupent les fonctions supérieures de la direction et de la gestion. Lune dentre elle, la secrétaire général des Modjahedines, Mojgan Parsai, a étudié linformatique aux Etats-Unis. A Achraf, les femmes sont fières de leurs acquis dans légalité des genres. Ma rencontre la plus émouvante a été avec les anciennes prisonnières politiques, qui mont dépeint des horribles tortures et les viols dont elles avaient été victimes aux mains des gardiens de la révolution iraniens.
Au « musée du terrorisme », au centre de la base, on peut voir exposer un nombre étonnant de dispositifs utilisés par le régime iranien pour liquider ses opposants, des photos et une sinistre chronique de 450 attentats terroristes à travers le monde attribués aux agents de Téhéran preuve irréfutable que ces activistes sont bien les victimes du terrorisme et que lauteur en est le régime iranien.
Jai quitté la base avec la nette impression que les Modjahedines iraniens sont un mouvement de résistance légitime qui mérite le soutien du monde libre. Dans une région toujours dominée par l’intolérance, la tyrannie et le fanatisme aveugle, ce mouvement prône un islam basé sur un gouvernement démocratique, la laïcité et légalité des genres. Le fait que le mouvement soit dirigé par une femme Maryam Radjavi, qui vit près de Paris – ne fait qu’attiser le contraste avec un régime qui interdit aux femmes laccès à de hautes fonctions politiques.
Je raconte mon expérience parce que je suis persuadé que les Moudjahidines constituent notre meilleure chance pour contrer la montée de la menace iranienne. Et nous devons la contrer. Tandis que l’Irak domine la campagne présidentielle américaine, cest lIran qui devient rapidement le point focal de linquiétude internationale. A juste titre. LIran abrite un régime intégriste islamique qui parraine ouvertement le terrorisme et fomente la violence en Irak, développe des missiles de longue portée et a été pris « la main dans le sac » en train de dissimuler des aspects sensibles de son programme nucléaire avancé.
Où cela mène-t-il les options politiques occidentales ? Certains en Europe et aux Etats-Unis oublieux de léchec manifeste des années « dengagement constructif » avec lIran qui ont uniquement renforcé la faction la plus radicale de la clique théocratique insistent sur la poursuite de même chemin. Mais les mollahs iraniens sont passés maîtres dans lart de prendre des carottes et den demander davantage. Si nous ne changeons pas le cours des choses, il se peut que nous finissions avec rien de mieux quune promesse de conformité que lIran comme la Corée du Nord dans les années 1990 pourra rompre secrètement. Cest précisément ce qua fait lIran quand la troïka ministérielle européenne s’est rendue à Téhéran en octobre dernier et a passé un accord avec les dirigeants iraniens pour suspendre lenrichissement. Nous savons aujourdhui que la promesse na jamais été tenue.
Lintransigeance des dirigeants iraniens est en grande partie basée sur leur perception d’un gouffre croissant entre les Etats-Unis et lEurope. Cela crée « une marge de sécurité » pour Téhéran, disent les stratèges iraniens. Ils semblent convaincus que la division transatlantique empêchera toute action sérieuse contre la République islamique. Les ayatollahs extrémistes ridiculisent déjà lidée même de sanctions du Conseil de sécurité.
A leurs yeux, le commerce plus que toute autre préoccupation détermine au bout du compte la position de lEurope vis-à-vis de lIran, alors que les Américains sont embourbés en Irak. La situation a offert à Téhéran une opportunité exceptionnelle qu’il espère être suffisamment importante pour faire atteindre à son projet darmes nucléaires un point de non retour. Tant que le régime restera au pouvoir, lIran continuera dêtre une source dinstabilité et de terrorisme.
LEurope a une grave responsabilité politique et morale dans ladoption dune attitude nouvelle et ferme vis-à-vis de lIran. Léchec des sanctions diplomatiques et économiques passées imposées à lIrak nest pas un argument pour éliminer lusage de pressions efficaces contre lIran, même si létat actuel des marchés mondiaux pétrolier compliquerait toute décision. Mais loccident doit commencer à envoyer des signaux sil est résolu à être pris au sérieux à Téhéran. Il doit cesser denvoyer des missions commerciales en Iran, comme lont fait récemment la Grande-Bretagne et la France. Et il doit cesser de lancer de grands événements diplomatiques pour promouvoir ses liens avec le régime iranien, comme la fait lAllemagne.
Il y a cependant, une manière bien plus efficace deffacer la « marge de terreur » des dirigeants iraniens ce que signifie exactement leur « marge de sécurité » et cest de soutenir les aspirations démocratiques du peuple iranien. Les gouvernements occidentaux doivent exprimer avec plus de force leur soutien aux millions dIraniens, particulièrement aux jeunes et aux femmes, qui veulent voir un gouvernement pluraliste, séculaire et démocratique à la place de la théocratie actuelle.
A mes yeux, et cest lopinion de plus de 1000 parlementaires en Europe, notre premier pas politique devrait être de retirer de la liste noire internationale le principal mouvement d’opposition des mollahs les Moudjahidines iraniens.
Nombreux sont ceux qui, au Congrès des Etats-Unis et parmi les voix éminentes du droit international, soutiennent cet appel. De hautes autorités américaines ont confirmé quune enquête détaillée de seize mois par plusieurs agences gouvernementales américaines, dont le Département dEtat et le FBI, ont exonéré les membres des Moudjahidines iraniens daccusations terroristes. Les autorités des deux côtés de lAtlantique ont affirmé que la seule raison pour avoir mis le groupe sur la liste du terrorisme aux Etats-Unis était dabord denvoyer « un geste de bonne volonté » au régime iranien.
Faisons savoir aux dirigeants iraniens que leur « marge de sécurité » est lhistoire. Cest le seul moyen de sauver le monde de cataclysmes pendant quelques mois, ou quelques années.
M. Casaca, eurodéputé socialiste du Portugal, est président de la délégation du parlement européen à lassemblée parlementaire de lOTAN.