Associated Press, Beyrouth, 9 février De Sam F. Ghattas Le leader du Hezbollah, qui était jeudi à la tête dune manifestation qui a rassemblé des centaines de milliers de Musulmans chiites, a déclaré que le président Bush et sa secrétaire dÉtat devaient « se taire » après avoir accusé la Syrie et lIran dalimenter les troubles causés par les dessins du prophète Mahomet.
Pendant ce temps, le Danemark a annoncé avoir temporairement fermé sa mission diplomatique à Beyrouth, qui a été incendiée dimanche par des manifestants, et que tout le personnel avait quitté le Liban.
Les Danois craignent que les processions jeudi dans les pays musulmans à loccasion de la fête chiite dAshoura ne tournent à la violence contre ses diplomates et ses soldats après des jours de manifestations en raison des caricatures qui ont été publiées pour la première fois dans un journal danois en septembre.
Environ 2000 Musulmans radicaux se sont rassemblés et ont mis le feu au drapeau danois jeudi dans la capitale du Bangladesh, à Dhaka.
A Beyrouth, le chef du Hezbollah, le cheik Hassan Nasrallah, a demandé aux Musulmans du monde entier de continuer à manifester jusquà ce que des excuses soient faites pour les dessins et jusquà ce que lEurope adopte des lois interdisant dinsulter le prophète.
Le chef du groupe de guérilla, qui bénéficie du soutien de lIran et de la Syrie, a pris la parole devant une foule rassemblée pour la procession de lAshoura. Pour stimuler la foule en ce jour solennel pour les Chiites du monde entier, Nasrallah a déclaré :
« La défense du prophète doit continuer dans le monde entier. Que Condoleezza Rice, Bush et tous les tyrans se taisent. Nous sommes une nation islamique qui ne peut tolérer, rester silencieuse ou immobile lorsquils insultent notre prophète et nos symboles sacrés. »
« Nous soutenons le messager de Dieu non seulement pas nos voix mais aussi par notre sang », a-t-il dit à la foule, estimée à 700000 personnes par les organisateurs. La police ne disposait pas de chiffres définitifs mais affirme que les manifestants étaient probablement plus nombreux.
Prenant la parole pour la première fois mercredi au sujet de la controverse, Bush a condamné les troubles quotidiens provoqués par les dessins et recommandé aux chefs dÉtat étrangers de faire cesser la progression de la violence. Rice a déclaré que lIran et la Syrie « avaient entrepris dattiser les sentiments et de les utiliser à leurs propres avantages. Et le monde doit call them on it ».
LIran a nié les accusations des États-Unis. La Syrie na fait aucun commentaire public.
En signe de protestation dans le monde musulman, les manifestants qui considèrent ces dessins comme étant profondément insultants pour lIslam ont attaqué les ambassades en Syrie, au Liban, en Iran et ont fait une émeute en Afghanistan. Linterprétation de lIslam interdit toutes représentations du prophète.
Jyllands-Posten, le journal danois qui a été le premier à publier les dessins, sest excusé la semaine dernière davoir offensé les Musulmans mais reste sur sa décision dimprimer les caricatures, invoquant la liberté dexpression.
Par solidarité, dautres journaux européens ont récemment publié à nouveau les dessins, qui incluent une image de Mahomet portant un turban en forme de bombe dont la mèche est allumée.
Le gouvernement danois a dit quil ne pouvait présenter des excuses pour le contenu dun journal.
A Bruxelles, en Belgique, Mohamed Ahmed Sherif, président du World Islamic Call Society basée au Liban, a déclaré que les Musulmans considéraient ces dessins comme une attaque directe contre leurs valeurs et a qualifié la décision de les publier dans des journaux européens de « campagne de dénigrement ».
Sherif, qui sest exprimé lors dune visite à Bruxelles où il a rencontré des hauts responsables de lUnion Européenne, a affirmé que les caricatures ne servaient quà alimenter lextrémisme.
« Personne ne doit blâmer les Musulmans sils sont en colère à propos de ces images du prophète Mahomet », a affirmé Sherif. « Il est interdit de créer une campagne de dénigrement montrant que le prophète est un terroriste alors quil ne lest pas. Ne nous demandez pas dessayer de faire comprendre aux gens quil ne sagit pas dune campagne de dénigrement. »
Nasrallah, religieux portant un turban noir et une barbe, a exigé des excuses pour les dessins et des lois pour empêcher que cela se reproduise.
« Le problème ne sera pas résolu tant quil ny aura pas dexcuses et tant quil ny aura pas de lois adoptées par le Parlement Européen et les parlements des pays européens », a-t-il dit.
Les nations islamiques doivent exiger « une loi pour la presse et les médias en Occident leur interdisant dinsulter notre prophète. Sils ne peuvent pas accomplir cela, cela signifie quils (lOccident) tiennent à ce que cela continue », a-t-il ajouté.
Au Danemark, la Danish Broadcasting Corp., ou DR, a annoncé avoir conseillé à ses journalistes à Beyrouth de rester à lécart des cérémonies chiites de lAshoura. « Il est devenu plus difficile dêtre un reporter danois au Moyen Orient », a déclaré Lisbet Knudsen, chef du bureau des informations de DR.
Au Bangladesh, les manifestants (la plupart étant membres du groupe radical Islamic Constitution Movement) ont défilé dans la rue devant la principale mosquée du pays dans le centre-ville de Dhaka criant « Mort aux ennemis de lIslam ! », selon la police.
« Nous ne pouvons tolérer un tel manque de respect à légard de notre prophète. Cest un acte honteux. Nous le condamnons », a déclaré A.T.M. Hemayetuddin, un leader du mouvement.
Dans la capitale du Cachemire sous contrôle de lInde, environ 200 personnes ont participé à une procession islamique en signe de protestation contre les dessins du prophète, scandant « Mort au Danemark ! » et « Mort à Israël ! ». Le superintendant en chef de la police Muneer Khan a déclaré que 25 personnes avaient été arrêtées alors que la police tentait de repousser des manifestants en colère.
Jeudi, le gouvernement de la Malaisie a fait fermer pour une durée indéterminée un journal local qui a publié une des caricatures.
Les reporters dAssociated Press Julhas Alamm à Dhaka, Bangladesh ; Jan M. Olsen à Copenhague, Danemark ; Mujtaba Ali Ahmad à Srinigar, Inde et Eileen Ng à Kuala Lumpur, Malaisie ont contribué à ce reportage.