Iran Focus, Paris, 11 février Lors dun entretien exclusif avec Iran Focus, un ayatollah dissident très influent a critiqué les dirigeants théocratiques de lIran « pour mêler la politique aux éléments sacrés de lislam et exploiter les sentiments religieux des musulmans simplement pour servir leurs propres intérêts et ceux du régime. »
« Je crois sincèrement que la publication de ces caricatures [du prophète Mohammad »> était absolument injustifiée, parce quelles offensent tous les musulmans et ne font quaider les extrémistes comme ceux qui sont au pouvoir en Iran », a dit layatollah imperturbable qui sexprime dune voix douce en prenant un thé dans un café à Paris, où il vit incognito, se méfiant des assassins de Téhéran. Il a été condamné à mort par une fatwa de layatollah Rouhollah Khomeiny.
« Mais jajoute rapidement que les dirigeants iraniens incitent à la violence et provoquent les musulmans pour des raisons purement machiavélique : ils veulent exacerber la confrontation entre les musulmans et les chrétiens au moment où leur soutien au terrorisme et leur programme darmes nucléaire sont sous le regard de la communauté internationale. Ils jouent avec les sentiments des musulmans pour dévier lattention de leurs propres crises chez eux et à létranger. Cest pire que criminel ; cest diabolique. »
Layatollah Jalal Gandjei, un intellectuel chiite et écrivain qui vit en exil en France, a été un disciple de layatollah Khomeiny dans les années 1960s, avant de rompre au milieu des années 1970 pour cause de divergence dopinion sur le rôle de la liberté et de la démocratie dans lislam. Quand Gandjei a quitté lIran pour rejoindre lopposition au début des années 1980, layatollah Khomeiny a promulgué une fatwa contre lui. Depuis, treize de ses proches, y compris son fils, ont été exécutés par le régime clérical.
Layatollah Gandjei est choqué par la façon dont il croit que lIran est en train de manipuler le scandale des caricatures à son avantage.
« Regardez la façon choquante dont ils utilisent ces caricatures. Ecoutez leurs émissions de télévision et de radio quotidiennes. Ils demandent aux gens daller manifester en soutien au régime pour montrer leur colère contre les caricatures. Ils disent aux Iraniens, « si vous êtes en colère contre les Occidentaux qui insultent le Prophète, alors venez et montrer votre soutien au programme nucléaire ! Ce sont les mots exacts de leur propagande diffusée en boucle sur les radios et télévisions dEtat », explique le religieux.
Malgré son attaque virulente contre les dirigeants religieux de lIran, layatollah ne cache pas ses critiques envers les journaux qui ont publié ces caricatures, mais souligne que lopposition et les critiques faites dans un contexte légal et civilisé sont le seul moyen et le plus efficaces pour les musulmans de faire part de leur peine.
« La liberté dexpression est un principe sacré que le véritable islam a toujours soutenu et encouragé », dit layatollah Gandjei. « Pendant des siècles, les intellectuels et philosophes musulmans ont ouvertement débattu des sujets qui seraient considérés comme blasphématoire par les fanatiques extrémistes qui donnent aujourdhui une si mauvaise image de lislam. Mais dans toute les sociétés matures, la liberté dexpression doit être inextricablement liée à la responsabilité sociale. On ne peut pas offenser les croyances sacrées de millions de personnes simplement au nom de la liberté dexpression. »
Layatollah Gandjei est très critique à lencontre du guide suprême iranien, layatollah Ali Khamenei, qui a dit jeudi à propos des caricatures que « le but est de faire se confronter les musulmans et les chrétiens et il est bon que les musulmans manifestent leur fureur. »
« Personne na fait plus de mal au nom et à limage de lislam que les fanatiques qui dirigent lIran », estime Gandjei, qui parle dune voix vibrante démotion. « Qui a exécuté des fillettes âgées de 14 ans au nom de lislam ? Qui a lapidé à mort des femmes au nom de la loi islamique ? Qui se mêle des affaires internes irakiennes au nom de lexportation de la révolution islamique dans ce pays ? Qui a apporté la pauvreté, la mort et la misère en Iran au nom dune théocratie de droit divin ? »
« Ce sont les pires ennemis de lislam », dit layatollah, en évoquant le régime clérical en Iran.
Gandjei sest aussi référé à des informations très spécifiques quil a dit avoir été obtenue en Iran par le Conseil national de la Résistance iranienne, une coalition politique de plusieurs groupes dopposition à laquelle appartient layatollah modéré.
« Nous sommes sûrs que les récentes violences ont été encouragées par le ministère des renseignements et de la sécurité ( la police secrète iranienne ), la force Qods, le ministère des affaires étrangères, lorganisation pour la communication et la culture islamique, lassociation mondiale Ahl al-Beit ( la Maison du Prophète), le forum mondial pour la proximité des écoles de pensée islamiques, et lOrganisation de la propagande islamique», dit-il se référant à plusieurs organisations mises sur pied par Téhéran pour propager le message de la révolution islamique à la masse musulmane.
Gandjei affirme quun clerc radical chiite, Aboulghassem Khazali et son fils qui dirigent lassociation Ahl al-Beit, sont allés en Allemagne le 9 février pour inciter les chiites en Europe. Gandjei a accusé un agent provocateur iranien, quil a identifié comme Barati, un responsable dAhl al-Beit, dêtre en contact avec des cellules intégristes musulmanes en Europe et en Amérique du Nord, pour les inciter à la violence suite aux caricatures.
« Les attaques des ambassades occidentales à Téhéran ont été orchestrées par le gouvernement », a dit Gandjei, notant que la sécurité très stricte dans la capitale iranienne naurait pas permis des raids spontanés sur les ambassades. « Ils ont dit à leurs agents dans dautres pays de faire la même chose. »
Gandjei a appelé lOccident de ne pas donner au régime iranien lopportunité « dexploiter lislam et de réprimer ceux qui défendent lislam authentique, celui de liberté et de tolérance. »
« 99% des Iraniens sont musulmans et plus de 90% dentre eux veulent la fin de cette tyrannie religieuse », affirme layatollah.