Le Monde, Beyrouth, 17 août – Aux yeux des dirigeants de Téhéran, le Hezbollah libanais est le plus » gratifiant » de tous les partis que la République islamique a cherché à inspirer depuis son instauration en Iran : ils ne pouvaient donc que se féliciter de la » victoire » que vient de remporter, selon eux, le Parti de Dieu contre Israël. Aussi est-ce à une véritable démonstration de liesse que s’est livré, mardi 15 août, le pouvoir iranien, au lendemain de l’arrêt des combats entre l’Etat juif et le Hezbollah.
Dès la soirée de lundi, des motos et des bus ont sillonné Téhéran, brandissant des drapeaux du Hezbollah, tandis que, sur les toits des immeubles, des partisans du pouvoir ont scandé » Allah Akbar ! » (Dieu est le plus grand). Mardi, le métro et les bus étaient gratuits. Des gâteaux et des boissons ont été distribués devant certaines administrations.
Les dirigeants iraniens ont récupéré à leur avantage la résistance des combattants du Hezbollah. Tantôt pour menacer Israël du pire – un tir de missile Shahab-3 d’une portée de 2 000 km qui atteindrait Tel-Aviv, selon Ahmed Khatami, l’un des chefs religieux de la tendance la plus dure – si l’Etat juif était tenté de lancer une attaque contre la République islamique. Et tantôt pour annoncer, comme l’a fait le président Mahmoud Ahmadinejad dans un discours, l’aube d’un » nouveau Proche-Orient « , aux antipodes de celui projeté par les Etats-Unis et qui serait précisément débarrassé de » la domination américaine et britannique « .
Brossant le tableau d’un David contre Goliath, d’un » petit groupe de jeunes hommes pieux, confiants en Dieu « , face aux » pouvoirs corrompus des criminels américains, britanniques et sionistes « , M. Ahmadinejad s’est exclamé : » La promesse de Dieu est devenue réalité ! «
Les dirigeants de la République islamique considèrent qu’ils ont d’autant moins de raisons de maquiller leur tutelle sur le Hezbollah que les Etats-Unis ne se privent pas d’afficher leur soutien actif et inconditionnel à Israël. Leur influence au Liban a du reste été reconnue, au moins indirectement, par l’aveu de dirigeants occidentaux du statut de l’Iran comme acteur important sur l’échiquier régional.
LE HEZBOLLAH SOUS INFLUENCE
Si, comme le Hezbollah lui-même, les dirigeants iraniens n’avaient sans doute pas prévu l’ampleur de la réaction à la capture, le 12 juillet, de deux soldats israéliens par le Parti de Dieu, la résistance des combattants libanais face à l’imposante machine de guerre israélienne n’a fait que décupler leur satisfaction.
Il reste à savoir comment, au-delà des mises en garde et des menaces, ils entendent rentabiliser cette » victoire » par procuration, décrochée par des combattants formés à l’école iranienne et grâce à des armes en provenance de la République islamique dans leur écrasante majorité. Téhéran s’est borné, pour l’heure, à hausser le ton à propos de son programme nucléaire.
Le Hezbollah ne s’est, de son côté, jamais dérobé à sa filiation idéologique et à son alliance avec l’Iran. Il n’est toutefois pas certain que les épanchements de son tuteur contribuent à faciliter sa tâche au Liban. Ils risquent au contraire d’accentuer les suspicions d’une partie des Libanais quant à la priorité que le Parti de Dieu accorderait, selon eux, aux intérêts de la République islamique par rapport à ceux du Liban.
Ces suspicions avaient déjà été intensifiées par ce que certains considèrent comme une volte-face du Hezbollah concernant la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU. Selon des sources proches du gouvernement libanais, ce serait sous l’influence de Téhéran que le Hezbollah, après avoir accepté ladite résolution avec quelques réserves, aurait décidé de faire de la résistance concernant son désarmement.