Le Monde, 21 septembre Par Philippe Bolopion Quatre ans après avoir tenté de rallier l’Assemblée générale de l’ONU contre la menace irakienne, le président américain, George Bush, a ouvert, mardi 19 septembre, la 61e session de l’organe onusien en accusant le régime iranien d' »utiliser les ressources de (sa) nation pour financer le terrorisme, pour attiser l’extrémisme et chercher à se procurer des armes nucléaires ». Face aux représentants des 191 autres pays membres de l’ONU, M. Bush a prévenu que l’Iran devait « abandonner ses ambitions relatives aux armes nucléaires ».
Le président des Etats-Unis, qui n’a jamais écarté une solution militaire au problème iranien, a toutefois assuré travailler à « une solution diplomatique ». « Nous n’avons aucune objection à la poursuite par l’Iran d’un programme d’énergie nucléaire réellement pacifique », a-t-il assuré. « Le plus grand obstacle » pour le futur du peuple iranien, dont il a dit « admirer la riche histoire », « la culture dynamique » et « les contributions à la civilisation », est « ses dirigeants, qui ont choisi de lui dénier (sa) liberté ».
Sur un ton plus conciliant, le président français, Jacques Chirac, a affirmé que « le dialogue doit prévaloir » dans la crise iranienne. « Discutons afin d’entrer dans la négociation », a-t-il affirmé. A la tribune de l’ONU, M. Chirac a assuré que l’objectif des grandes puissances n’était pas de « remettre en cause les régimes ». « Nous avons fait à ce grand pays des offres de coopération ambitieuses, pourvu qu’il rétablisse la confiance en suspendant ses activités litigieuses », a-t-il ajouté.
Pour la France, la suspension de l’enrichissement d’uranium n’est plus un préalable à une reprise de contact avec l’Iran, mais serait un « geste de bonne volonté » qui permettrait aux Occidentaux de geler leurs menaces de sanctions et de reprendre la négociation.
Prenant la parole en fin de journée, le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, a défendu, devant une audience clairsemée, « le droit légalement reconnu » de son pays à se doter d’un programme nucléaire civil. « Toutes nos activités nucléaires sont transparentes, pacifiques, et sous le regard vigilant de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) », a affirmé le président iranien, qui a rappelé que son pays entendait respecter le traité de non-prolifération nucléaire (TNP). En costume gris et chemise à col déboutonné, Mahmoud Ahmadinejad s’est emporté contre les « gouvernements qui bénéficient eux-mêmes de l’énergie nucléaire » et dont plusieurs ont, selon lui, « abusé de cette technologie » pour « la production de bombes nucléaires ». « Certains ont même un sombre passif dans l’utilisation de ces armes contre l’humanité », a-t-il martelé.
Le dirigeant iranien, qui ponctuait son discours de gestes saccadés, a par ailleurs accusé les gouvernements américain et britannique d’utiliser le Conseil de sécurité de l’ONU comme « un outil de coercition ». Il a réclamé une réforme du Conseil de sécurité afin que l’Organisation de la conférence islamique (OCI), par exemple, y dispose d’un droit de veto. Téhéran a ignoré les menaces de sanctions du Conseil, qui avait donné jusqu’au 31 août à l’Iran pour mettre un terme à ses activités nucléaires suspectes.
M. Ahmadinejad, qui à aucun moment n’a croisé son homologue américain, a également accusé « les occupants » de l’Irak d’avoir « libéré, sous des prétextes variés », des « terroristes ». « L’intensification des hostilités et du terrorisme sert de prétexte pour la présence continue de forces étrangères en Irak », a-t-il dit. Il a par ailleurs dénoncé la création, au lendemain de la seconde guerre mondiale, d’Israël, accusé de « répandre le sang », sans mentionner l’Holocauste, dont il a nié la portée par le passé. Les sièges de la délégation israélienne étaient vides pendant son allocution.
Le président iranien, qui n’avait pas participé au déjeuner donné à l’ONU pour les dirigeants de la planète, car de l’alcool y était servi, a consacré la dernière partie de son discours à la promotion de « la spiritualité et de l’éthique » et du « Dieu tout-puissant et miséricordieux » contre « la décadence et la corruption ».
Les ministres des affaires étrangères des cinq membres permanents du Conseil de sécurité, ainsi que de l’Allemagne et de l’Italie, se sont retrouvés, mardi soir, dans un hôtel new-yorkais, pour évoquer le dossier libanais, mais aussi la relance des négociations avec l’Iran, qui n’avait pas répondu, mardi, à l’ouverture faite par la France.
Les six pays ont, selon le numéro trois du département d’Etat, Nicholas Burns, cité par l’Agence France-Presse, exprimé leur « fort soutien pour les négociations » en cours entre le chef de la diplomatie européenne, Javier Solana, et le négociateur iranien en charge du dossier nucléaire, Ali Larijani. Ils ne sont pas parvenus à un accord sur d’éventuelles sanctions à imposer à l’Iran en cas de non-coopération, mais auraient décidé d’une nouvelle date limite, non spécifiée, pour obtenir des résultats.