Le Figaro, 27 décembre – Malgré ses énormes réserves, le pays pourrait voir ses exportations de pétrole fondre d’ici à 2015, à cause du manque d’investissements.
Le maintien d’un prix élevé des hydrocarbures n’empêchera pas la manne pétrolière de l’Iran de diminuer de moitié d’ici à cinq ans, voire de disparaître à l’horizon 2015, selon Roger Stern, chercheur à la Johns Hopkins University. Dans une étude publiée dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States, le chercheur observe que la production de pétrole de l’Iran a été inférieure au cours des dix-huit derniers mois au plafond autorisé par l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep). Il en déduit que l’industrie pétrolière iranienne est en déclin, rejoignant en cela l’opinion de nombreux experts (*).
65 % DES RECETTES DU BUDGET
Conséquence, la République islamique risque de devoir diminuer sensiblement ses dépenses publiques. Les ventes de pétrole à l’étranger rapportent en effet chaque année quelque 50 milliards de dollars au budget iranien, soit plus de 65 % de ses recettes. Les conséquences d’une telle baisse ne seraient pas seulement économiques mais aussi sociales. L’État dépense près de 10 % du PIB (hors pétrole) pour subventionner les carburants. Le prix d’un plein d’essence coûte ainsi à peine plus d’un euro en Iran.
Le déclin attendu de la production de pétrole iranien a de quoi étonner s’agissant d’un pays qui dispose des premières réserves mondiales prouvées de pétrole. La compagnie nationale iranienne (Nioc) possède 370 milliards de barils équivalent pétrole de réserves, soit autant que la Saudi Aramco, compagnie publique d’Arabie saoudite.
Selon Roger Stern, le déclin des exportations de pétrole iranien serait une conséquence du déplacement des investissements publics du secteur des hydrocarbures vers les programmes nucléaires. L’Iran possède quelque 32 champs pétroliers qui sont, dans leur grande majorité, anciens et en mauvais état. Faute d’entretien, leur production devrait diminuer de 7 à 13 %, selon leur localisation sur terre ou en mer (*). Ce recul se traduirait par une perte de 350 000 barils par jour selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
L’Iran n’en affiche pas moins des objectifs d’extraction ambitieux. Téhéran envisage d’augmenter la production de pétrole d’un million de barils supplémentaires chaque jour jusqu’en 2010 ! Une ambition qui exigerait « des investissements estimés à 55 milliards de dollars à l’horizon 2015 » (*). Or on voit mal les compagnies étrangères se lancer dans de tels investissements. L’Iran a la réputation d’être le plus inhospitalier des pays du Moyen-Orient pour les compagnies pétrolières étrangères. Leurs marges y sont faibles et les contraintes qui pèsent sur elles fortes.
Dans une interview accordée hier à l’agence semi-officielle Fars, le ministre iranien du Pétrole, Kazem Vaziri-Hamaneh, s’est défendu en arguant que de nombreuses sociétés étrangères « ne coopèrent pas avec nous par peur des pressions américaines », ajoutant qu’en matière nucléaire, « les équipements à double usage (civil et militaire) que nous avions achetés par le passé ne sont pas livrés sous divers prétextes ».
(*) « La guerre de l’énergie n’est pas une fatalité », rapport d’information, Assemblée nationale, décembre 2006.