Le Monde, 13 mars – Par Benoît Vitkine – Une chose semble certaine, parmi les révélations que les journaux du monde entier apportent chaque jour sur une mystérieuse affaire d’espionnage impliquant l’Iran et les services secrets occidentaux : un militaire iranien de haut rang manque à l’appel. Le général Ali Reza Asghari, ancien commandant des Gardiens de la révolution et ancien vice-ministre de la défense, n’a plus reparu en Iran depuis le 7 février.
A cette date, il se trouvait à Istanbul, pour un voyage privé. Depuis, plus rien. Et c’est là que les versions commencent à diverger. Pour la plupart des journaux occidentaux, dont le Washington Post qui a révélé l’affaire, le général aurait fait défection et aurait été « récupéré » par les services de renseignement américains.
Selon le journal Asharq al-Awsat, implanté à Londres, le militaire serait en ce moment quelque part en Europe du Nord, interrogé par les services américains. Sa « coopération » serait « entière », affirme même le Washington Post, citant un responsable du renseignement américain.
Côté iranien, la thèse de l’enlèvement a immédiatement été avancée, avec pour principaux accusés les Etats-Unis et Israël. Fait troublant, alors même que les journaux occidentaux expliquent que l’ancien ministre a préparé sa défection en mettant à l’abri sa famille, celle-ci est apparue lundi à Téhéran. La famille et la fille du général Asghari ont été reçues à l’ambassade de Turquie à Téhéran, pour demander des explications et accuser à leur tour Israël et les Etats-Unis.
PRISE DE CHOIX
La presse israélienne a, elle aussi, tout d’abord suggéré que son rapt pourrait être l’uvre du Mossad, les services de renseignement israéliens. « Nous ne menons pas ce genre d’opération », a ensuite démenti vivement le ministre de la défense, Amir Péretz.
Le retournement du général Asghari serait une prise de choix pour les services occidentaux. Envoyé au Liban dans les années 80, alors qu’il était à la tête des pasdarans, c’est lui qui a accompagné la création du Hezbollah. Il en sait long sur les liens entre l’Iran et l’organisation chiite libanaise : qui supervise le Hezbollah, qui est responsable des attentats, comment l’Iran continue d’alimenter l’organisation terroriste, notamment en armes…
Autre secteur stratégique qui pourrait intéresser les Américains : le nucléaire. Les fonctions passées du général Asghari, notamment son poste de « responsable des affaires logistiques et des achats », l’a mis en contact avec les problématiques du nucléaire. C’est aussi à ce poste qu’il pourrait avoir rencontré des agents occidentaux, et que son retournement aurait été entrepris. Le Sunday Times affirme ainsi que le général Asghari collaborait avec les Occidentaux depuis 2003. Selon le journal, sa disparition dans un grand hôtel d’Istanbul a été organisée alors que les autorités iraniennes étaient en passe de faire la lumière sur ses activités.
Tentant de calmer les esprits, le ministre des affaires étrangères turc, Abdullah Gül, a indiqué que les autorités turques menaient d’intenses recherches pour tenter de retrouver le général à Istanbul.