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En Iran, l’ex-président Rafsandjani revient sur le devant de la scène

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Le Monde, 5 septembre – par Marie-Claude Decamps – Il n’y a eu ni campagne électorale, ni grande proclamation lors du résultat. C’est pourtant une élection cruciale qui s’est tenue, mardi 4 septembre en Iran, à la tête de l’Assemblée des experts, un rouage aussi feutré qu’essentiel du régime, chargé d' »élire, contrôler, ou démettre » le Guide suprême de la révolution. En l’emportant, par 41 voix contre 34 à son opposant, l’ayatollah Jannati, fidèle entre les fidèles du Guide suprême, l’Ayatollah Khamenei, le pragmatique Ali Akbar Hachemi Rafsandjani, ancien président de la République islamique, a confirmé, à 73 ans, qu’il fallait toujours compter avec lui.

Une victoire aux allures de désaveu public pour les ultraconservateurs au pouvoir, proches du président Mahmoud Ahmadinejad qui, avant même la mort, en juillet, de l’ayatollah Meshkini, précédent président de l’Assemblée des experts, n’ont eu de cesse de tenter de « bloquer » M. Rafsandjani.

Le Guide lui-même a tout fait pour favoriser l’émergence à l’Assemblée des experts, parmi les 86 modjtahed, docteurs de la loi, qui la composent, de conservateurs dans sa mouvance, souvent passés par des postes de responsabilité idéologiques dans les forces armées.

Dans cette lutte interne, jusque-là souterraine, les ultras avaient multiplié les mises en garde symboliques contre M. Rafsandjani : des journaux dirigés par des personnalités proches de lui, comme Shargh et Ham Mihan, ont été suspendus durant l’été. Auparavant, l’un des anciens négociateurs du dossier nucléaire iranien, jugé trop « conciliant », le Dr Moussavian, également un proche, avait été arrêté à quelques mètres à peine des bureaux de M. Rafsandjani. Enfin, le troisième tome de ses mémoires a été saisi dans les librairies de Téhéran. Il y était fait mention d’un désir de l’ayatollah Khomeiny, dans les années 1980, de renoncer au slogan historique : « Mort à l’Amérique ».

Craint pour son habileté à cumuler les pouvoirs et discrédité pour l' »affairisme » de sa famille durant sa présidence (1989-1997), M. Rafsandjani s’était vu écarté lors de l’élection présidentielle de 2005 par le clan conservateur qui, à l’instigation du Guide, lui avait préféré l’ancien maire de Téhéran, le populiste et radical Mahmoud Ahmadinejad. C’était le premier grand échec de M. Rafsandjani.

Demeuré à la tête du conseil du discernement, autre rouage d’arbitrage du régime, il avait multiplié les critiques – à mots couverts – contre les dérives économiques d’un Iran soumis à une inflation estimée à 20% et qui puisait l’argent du pétrole à même le fonds de stabilisation. Enfin, il n’avait pas ménagé ses appels en faveur d’un « dialogue constructif » sur le nucléaire et « ouvert » à l’Occident.

Le 15 décembre 2006, il obtenait une double revanche en arrivant, lui-même, loin devant l’ayatollah fondamentaliste Mezbah Yazdi, mentor de M. Ahmadinejad à l’élection des membres de l’Assemblée des experts. Tandis que le même jour, les réformateurs de l’ancien président Mohammad Khatami, qu’il avait soutenus, remportaient les élections municipales devant les candidats du président. « Les Iraniens sont favorables aux forces modérées », titrait le quotidien Ettemad-e-Meli.

« LA LUTTE ENTRE FACTIONS EST MONTÉE D’UN CRAN »

Qu’attendre aujourd’hui des nouvelles fonctions de M. Rafsandjani ? Peu de changements de fond au quotidien, estiment la plupart des commentateurs, mais plutôt l’expression d’une « autre approche », notamment sur le nucléaire.

« Ce qui a changé c’est que, cette fois, la lutte entre factions est au grand jour et elle est montée d’un cran, répond sans hésiter un haut dignitaire proche des réformateurs, joint par téléphone. La facture des erreurs de M. Ahmadinejad, à commencer par son aventurisme nucléaire, qui a produit des sanctions, ses dérapages économiques et sa fuite en avant dans la répression qui a entraîné grèves et mouvements de contestation, est arrivée directement jusqu’au Guide qui l’a soutenu sans faille jusqu’ici. »

Et ce haut dignitaire d’ajouter : « A présent, M. Rafsandjani a toutes les cartes en main, religieuses, constitutionnelles et politiques, en cas de crise, pour tenter d’infléchir la politique du Guide. »

« L’Iran est à présent bicéphale », résumait un autre analyste. M. Rafsandjani n’a pas caché, lui-même, vouloir donner plus de « visibilité » à ses nouvelles fonctions : « Actuellement, l’Assemblée des experts ne relate pas à la société ses vues sur les grandes questions (…) mais peut-être qu’un jour ses décisions seront communiquées au peuple. »

De fait, les conservateurs modérés semblent avoir une carte à jouer. A Qom, la ville sainte, plusieurs grands ayatollahs s’inquiètent de la mainmise des forces armées sur le pays. Certains chefs des pasdarans (l’armée idéologique) à la tête du conglomérat « industrialo-militaire » qui domine une bonne part de l’économie du pays voient d’un mauvais œil les dérives populistes en la matière de M. Ahmadinejad, bien qu’il soit issu de leurs rangs.

Sept d’entre eux ont vu leurs avoirs gelés, dans la vague de sanctions décidées par le Conseil de sécurité des Nations unies contre l’Iran, en raison de la crise sur le dossier nucléaire.

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