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Les pressions contre l’Iran sont émoussées par l’abstention de la Chine et de la Russie

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Le Figaro, 20 septembre – par Delphine Minoui – Avec l’émergence d’un nouvel axe Paris-Washington sur la question du nucléaire iranien, la pression exercée sur la République islamique n’a jamais été aussi forte. Devenue de facto une puissance régionale, Téhéran bombe aujourd’hui le torse face aux menaces extérieures, en radicalisant son discours, en imposant une chape de plomb sur sa société et en se préparant à une éventuelle confrontation. Au nom d’un seul slogan : « L’énergie nucléaire est notre droit absolu ».

« Une confrontation avec l’Occident semble inéluctable », soupire l’analyste Saeed Leylaz. Sa crainte, c’est d’assister, une fois de plus, à l’effondrement d’un épais voile noir sur Téhéran. Isoler l’Iran, c’est donner raison à l’actuel gouvernement conservateur, composé en partie d’anciens gardiens de la révolution, formés à l’école de la guerre Iran-Irak, que la perspective d’un nouveau conflit ne semble pas effrayer. C’est forcer Téhéran à fermer définitivement la porte aux inspecteurs de l’AIEA et à la presse occidentale. Et là, loin des journalistes étrangers, le régime aura alors carte blanche pour intimider et emprisonner les voix de la contestation.

Aujourd’hui, l’essoufflement de la communauté internationale est compréhensible. Depuis l’amorce des négociations sur le nucléaire, en 2003, toutes les propositions étrangères ont été systématiquement rejetées par Téhéran : du paquet de mesures incitatives, offrant une coopération avec l’Iran, même dans le domaine de l’énergie nucléaire, en échange de la suspension de ses activités illicites, à la proposition d’enrichir l’uranium sur le territoire russe. Pire : après une période de suspension provisoire sous la présidence de Mohammad Khatami, Mahmoud Ahmadinejad, son successeur, s’est empressé de relancer le programme, peu après son élection, en 2005, et d’évoquer par la suite « une locomotive sans freins ». Aujourd’hui, plus rien ne semble pouvoir arrêter les ambitions nucléaires iraniennes.

Reste, donc, l’option militaire, ou tout au moins la menace de frappes chirurgicales. « C’est une tactique dangereuse », relève Karim Sadjadpour, chercheur au sein du think-tank américain Carnegie Endowment for International Peace. Car les discours belliqueux, entendus à Téhéran comme à Washington, laissent craindre la possibilité d’un dérapage incontrôlé. « La plupart des guerres éclatent en raison de calculs erronés et, aujourd’hui, la moindre erreur pourrait s’avérer dangereuse », relève Radjab Ali Mazroui, ancien député réformateur iranien. À Téhéran, il pourrait suffire d’une phrase de trop dans la bouche du président Ahmadinejad, ou d’une provocation maladroite, pour pousser Bush à l’action. Les Iraniens se rappellent ainsi, avec frisson, la crise des « marins britanniques », quand, en mars dernier, les gardiens de la Révolution capturèrent 15 soldats et marins anglais, en les accusant d’avoir pénétré dans les eaux iraniennes, pour ne les libérer que deux semaines plus tard. S’il s’était agi de soldats américains, l’affaire aurait pu s’envenimer très vite…

En cas d’attaque, la République islamique ne restera pas les bras croisés. Elle s’empressera de s’engager dans une « guerre asymétrique », en activant différents leviers dans la région – milices chiites en Irak ou Hezbollah au Liban. Les forces françaises de la Finul, basées au sud du Liban, pourraient être visées. Au nom d’un ennemi étranger, le régime iranien s’attaquera, sans concession, à ses opposants internes.

Dans ces conditions, comment faire plier Téhéran ? Pour l’heure, l’effet des sanctions reste limité. Les pétrodollars, dépensés à tout-va, permettent au gouvernement d’Ahmadinejad d’entretenir un climat artificiel de relative prospérité économique. Et la force de répression est telle que la moindre manifestation sociale, provoquée par l’inflation et la hausse du chômage, est sévèrement étouffée. Du coup, c’est la population qui trinque, pas ses dirigeants. Face à la perspective de mesures de rétorsion économique européenne, l’Iran se tourne, pendant ce temps, vers d’autres pays, comme l’Inde ou la Chine.

« Pour que la pression sur Téhéran soit efficace, ce n’est pas la force des sanctions qui compte, c’est la coalition des forces », note Karim Sadjadpour. Autrement dit : ce ne sera que lorsque la Chine et la Russie feront bloc avec les autres membres permanents du Conseil de sécurité que le régime iranien se sentira sérieusement en péril. Autre solution, avancée par l’économiste Saeed Leylaz : « arrêter d’acheter du pétrole à Téhéran ». Une telle initiative permettrait d’asphyxier l’économie iranienne et d’affaiblir les forces au pouvoir. Mais à l’étranger, aucun État ne semble prêt à en payer le prix. Il coûterait pourtant moins cher, relèvent certains observateurs, qu’un embrasement généralisé du Moyen-Orient ou que la vie de civils volée par l’explosion d’une bombe dans le métro parisien, comme ce fut le cas dans les années 1980, à l’époque d’une autre affaire nucléaire, celle d’Eurodif.

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