AFP, Téhéran, 6 janvier – Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a subi un double revers avec la décision du gouvernement, prise sous la contrainte économique, de libérer les taux d’intérêt bancaires et un vote du parlement rétablissant une instance monétaire qu’il avait dissoute.
Le gouvernement iranien a décidé de formaliser la libération des taux bancaires, dont M. Ahmadinejad avait baissé arbitrairement le niveau en mai dernier.
« Le marché déterminera les taux d’intérêt », a déclaré le ministre de l’Economie et des finances Davoud Danesh-Jafari, cité dimanche par le quotidien économique Donay-é Eghtessad.
Le président avait décidé de réduire les taux d’intérêt des banques publiques et privées à 12% et 13%, contre respectivement 14% et 17% auparavant.
Compte tenu de l’accélération de l’inflation, plus de 19% sur un an fin novembre, une telle décision revenait à prêter de l’argent à perte.
Depuis plusieurs semaines, les banques privées sont revenues dans la pratique à un taux supérieur à 17% et les banques d’Etat à 16%.
« Les taux d’intérêt et l’inflation sont les deux ailes d’un même oiseau », a déclaré le président de la Banque centrale, Tahmasb Mazaheri, expliquant que la hausse des prix avait un effet direct sur les taux.
Il a ajouté que la décision sur les modalités des taux d’intérêt applicables pour la prochaine année iranienne (commençant le 21 mars) serait annoncée le 5 mars.
Le rabaissement des taux décidé par M. Ahmadinejad a eu pour conséquence d’orienter les capitaux vers le btiment, très spéculatif et les prix du logement ont doublé en un an.
Par ailleurs, le parlement a apporté dimanche un soutien remarqué au président de la Banque centrale, en annulant la décision du président Ahmadinejad, prise en mai, de dissoudre plusieurs institutions, notamment le Conseil monétaire, chargé de prendre des décisions d’ordre économique et financier.
En mai dernier, le Conseil monétaire s’était opposé à la décision du président Ahmadinejad de fixer arbitrairement les taux d’intérêt.
Deux mois plus tard, le président iranien avait décidé de dissoudre le conseil, un organe rassemblant notamment des représentants de la Banque centrale, du Parlement, du président, de la chambre de Commerce et de ministères.
Il l’avait remplacé par une commission portant le même nom, mais contrôlée directement par la présidence.
Le Conseil monétaire, qui fonctionne sous le contrôle de la Banque centrale, est chargé de décider des grandes décisions monétaires, notamment des taux d’intérêt.
« La libération des taux signifie l’effondrement de la politique économique du gouvernement basée sur une baisse des taux et une injection massive de liquidités », a estimé un expert économique ayant requis l’anonymat.
M. Mazaheri a également annoncé des mesures concrètes pour contrôler les liquidités dans le cadre de la lutte contre l’inflation.
« La faille entre le gouvernement et la Banque centrale sera de plus en plus profonde. Mais la question est de savoir si le président de la Banque centrale pourra continuer à s’opposer aux projets idéologiques du gouvernement? » demande le quotidien réformateur Etemad Meli.
De nombreux économistes indépendants mais aussi des hommes politiques conservateurs et réformateurs ont mis en garde à plusieurs reprises le gouvernement iranien sur sa politique jugée inflationniste.
La hausse des prix a résulté principalement de l’injection massive de liquidités dans le circuit économique, grce à l’augmentation des revenus pétroliers liée à la hausse des prix des hydrocarbures.
Elu en 2005 sur une plate-forme de justice sociale et de redistribution de la rente pétrolière, M. Ahmadinejad a engagé l’Iran dans une politique de forte hausse des dépenses publiques.