Le Monde.fr, 26 février – Marie-Claude Decamps – préparation des élections législatives du 14 mars vient de révéler une nouvelle polémique en Iran : la nouvelle classe dirigeante, plus fondamentaliste et « militarisée », issue, comme le président Mahmoud Ahmadinejad, des milices islamiques et des pasdarans, l’armée idéologique du régime, tenterait-elle d’évincer les clercs de la « vieille garde » révolutionnaire, héritière de l’ayatollah Khomeiny ?
La question n’est évidemment pas ouvertement posée, pourtant elle se profile derrière les récentes querelles électorales. Tout est parti de l’éviction de près de 2 000 candidats aux législatives, en majorité réformateurs, selon des critères jugés contestables, par le Conseil des gardiens, un aréopage de juristes contrôlé par les conservateurs. Le tollé – et pas seulement chez les modérés – fut tel que plusieurs centaines viennent d’être réadmis.
Une des voix les plus remarquées à cette occasion fut celle du hodjatoleslam Hassan Khomeiny, petit-fils de l’imam, et curateur du mausolée de son grand père. Très respecté, n’intervenant jamais en politique, ce dernier a dénoncé l’exclusion des réformateurs des listes électorales, mais stigmatisé la « militarisation » du Parlement qui compte déjà plus d’un tiers d’ex-miliciens : « L’un des critères importants pour savoir si on suit la voie tracée par l’imam, avait-il déclaré dans l’hebdomadaire modéré Shaharvand, est la présence ou non des militaires en politique », rappelant ainsi la mise en garde de l’imam Khomeiny, au début de la République islamique.
« PLUS DE LIBERTÉ »
Après avoir été critiqué par le Centre de documentation de la révolution (une instance proche des services secrets), Hassan Khomeiny était l’objet d’une attaque aussi virulente qu’inédite de Hassan Nobakhtian, responsable du site conservateur Nosazi (Reconstruction). Dans un article intitulé « Le secret des joues roses de Seyed Hassan Khomeiny », il affirmait que ce dernier possédait BMW et sauna et vivait dans les quartiers chics du nord de Téhéran. Loin des préceptes de son grand-père.
Toucher à la famille du mythique fondateur de la révolution, dont les portraits géants tapissent les rues en Iran, n’est pas anodin. La contre-offensive était lancée de façon assez dramatique, samedi 16 février, par l’ayatollah Tavassoli, un des plus proches compagnons de l’imam Khomeiny. L’ayatollah qui intervenait devant le Conseil de discernement, critiquant indigné « les obscurantistes qui attaquent la famille et les idées de l’imam », a été terrassé, en plein discours, par une crise cardiaque.
Ensuite ce sera le tour du grand ayatollah Montazeri, ex-dauphin désigné de l’imam Khomeiny, écarté et mis cinq ans en résidence surveillée pour sa critique de la répression dans les prisons et son « ouverture » à l’ouest. Sortant de sa réserve, il réclamera « plus de liberté pour la presse et les activistes politiques ».
Pour finir, même le quotidien ultra-conservateur Kayhan a lancé une mise en garde aux ultras et au gouvernement, jugeant que « certains allaient trop loin ». Depuis, un autre petit-fils de l’imam, Ali Ashragi, d’abord rayé des listes électorales, a été réintégré. Il avait eu, disait-il, « l’humiliation » de voir des enquêteurs s’enquérir de sa religiosité auprès de ses voisins. Enfin, lundi 25 février, Hassan Nobakhtian a été emprisonné sur décision du procureur général de Téhéran.