The Guardian, Téhéran, 21 mars Au début, on aurait pu prendre les explosions déchirant les tympans, les feux de joie crépitants et la puanteur choquante des lacrymogènes pour un prélude à une nouvelle révolution iranienne.
En réalité, loccasion, Tchahar Chambeh Souri, était une fête. Les Iraniens, jeunes et vieux, hommes et femmes, étaient rassemblés dans la rue Mirdamad, dans un des quartiers les plus fréquentés de Téhéran, pour marquer louverture des festivités du Norouz, le Nouvel An de lancien calendrier zoroastre.
Néanmoins la subversion dans le vacarme et la fumée pesait lourd dans lair alors que des jeunes gens habillés à la mode lançaient des pétards et enflammaient des tas d’ordure près des trottoirs. Aucun de ceux qui étaient présents ne semblait douter de la politique sous-jacente.
« Cest une manière pour les gens dutiliser leurs traditions nationales afin de montrer leur opposition au régime », dit un homme nommé Reza, avant de séloigner en courant, disant que les forces de sécurité se cachaient dans le coin.
Remontant à 2500 ans, la signification de Chahr Chambeh Souri pour les Iraniens est comparable à Noël en occident. Mais ses racines pré-islamiques en ont fait un objet hostile pour les durs du clergé. Après la révolution de 1979, les autorités ont essayé dinterdire cette fête, la considérant comme un affront pour les murs islamiques.
Mais avec de nombreux Iraniens irrités par l’austérité de lislam chiite que prône le régime, le festival a de plus en plus été utilisé pour exprimer le mécontentement contre le gouvernement.
Les années précédentes, des milices du régime étaient déployées pour briser par la force ces rassemblements. Cette fois, cependant, le régime a tacitement autorisé les festivités.
Mais la tolérance a ses limites. Alors que les gens se rassemblaient, des escadrons de police armés de matraques bloquaient la place Mohseni toute proche, de peur quelle ne devienne un aimant pour des foules incontrôlables. Ils ont attaqué plusieurs fois, utilisant leurs matraques et tirant des lacrymogènes.
Mohammad Godzi, un étudiant de 28 ans, bouillonnait de colère alors quil critiquait le régime. « Nous détestons leur vision de lislam parce quil répand le sang », dit-il. « Cest un islam qui maintient les gens dans lignorance. Mais les jeunes daujourdhui pensent. »
Interrogé sur le type de système politique quil veut, il a répondu : « démocratique, avec la séparation de la religion et de lEtat Nous somme prêts à sacrifier nos vies pour la démocratie et la liberté. »
Mais le point de restauration rapide tout proche de Nader offre un contrepoids poignant à lesprit de rébellion qui prévaut. Des jeunes femmes prennent place, défiant le code vestimentaire islamique avec leurs larges foulards bien tirés en arrière pour souligner déblouissantes coiffures. Une annonce par les haut-parleurs les exhortent à « respecter les règles ». Elles ramènent alors leurs foulards en avant comme il le faut.