Par Bradley Klapper, Associated Press
WASHINGTON (AP) – Un groupe dont la Maison Blanche a reconnu qu’il avait été un représentant décisif dans la promotion de l’accord nucléaire iranien a donné 100 000 $ l’année dernière à la National Public Radio des États-Unis pour financer ses reportages sur l’accord et les questions afférentes, selon le rapport annuel du groupe.
Il a également financé des journalistes et des partenariats avec d’autres organes de presse.
La mission de Ploughshares Fund est de « bâtir un monde sûr et sécurisé en développant des initiatives et en investissant pour réduire et finalement éliminer les arsenaux nucléaires mondiaux », une mission qui concorde avec celle du Président Barack Obama pour maîtriser les armements. Mais son rôle en coulisses de promotion de l’accord iranien a attiré l’attention ce mois-ci après la publication d’un portrait de Ben Rhodes, l’un des principaux conseillers du président en politique étrangère.
Dans l’article du New York Times Magazine, Rhodes explique comment le gouvernement a travaillé avec des organisations non gouvernementales, des experts dans la prolifération et même des reporters obligeants pour renforcer le soutien envers l’accord passé entre les sept nations, qui a mis un frein à l’activité nucléaire de l’Iran et atténué les pénalités financières internationales sur Téhéran.
« Nous avons créé une caisse de résonnance », affirme Rhodes, conseiller adjoint à la sécurité nationale, ajoutant que « des groupes extérieurs comme Ploughshares » ont aidé à porter efficacement le message du gouvernement.
L’article du magazine a ranimé les critiques des Républicains sur l’accord iranien, qui ont souligné qu’il s’agissait d’une preuve de la manipulation opérée par la Maison Blanche pour induire les citoyens américains en erreur. Le gouvernement a accusé ses opposants d’essayer de re-contester l’accord après avoir échoué à l’abroger au Congrès l’année dernière.
Des groupes extérieurs de tous bords donnent de plus en plus d’argent à des organes de presse pour des projets particuliers ou pour les programmes d’actualités générales. La plupart des organes de presse, dont l’Associated Press, ont des règles strictes concernant la provenance de l’argent qu’ils acceptent et la protection de l’indépendance journalistique.
Le soutien de Ploughshares est plus inhabituel, étant donné son rôle important dans le débat partisan et vindicatif qui concerne l’accord iranien.
La dotation de Ploughshares à la NPR était destinée à soutenir « les sujets sur la sécurité nationale mettant l’accent sur les thèmes de la politique et du budget des États-Unis pour les armes nucléaires, le programme nucléaire iranien, les sujets de sécurité nucléaire internationale et la politique des États-Unis envers la sécurité nucléaire », selon le rapport annuel de Ploughshares pour 2015, récemment publié en ligne.
« C’est une pratique courante pour les fondations de financer la couverture médiatique de sujets insuffisamment traités », a affirmé la porte-parole de Ploughshares Jennifer Abrahamson. Le financement « n’influence aucunement le contenu éditorial de leur couverture, et ce n’est pas non plus ce que nous souhaitons. »
Ploughshares finance le traitement du sujet de la sécurité nationale par NPR depuis 2005, a affirmé le réseau radio. Le rapport de Ploughshares indique qu’au moins 700 000 $ ont été alloués depuis cette année-là. Toutes les descriptions de dotations depuis 2010 évoquent spécifiquement l’Iran.
« C’est un partenariat très estimé, sans aucune condition spécifique imposée par Ploughshares sur notre traitement du sujet, au-delà de l’abord des questions de sécurité nationale et nucléaire, de politique nucléaire, et de non-prolifération », a déclaré NPR par email. « Comme dans le cadre de tous les soutiens que nous recevons, nous avons mis en place un dispositif de protection rigoureux pour assurer que notre traitement est indépendant et n’est pas influencé par les donateurs ou des intérêts particuliers. »
Les législateurs Républicains auront cependant de quoi être inquiets, alors notamment que le Congrès dote la NPR d’une petite portion de son budget. Rien que cette semaine, le Comité de Supervision de la Chambre contrôlé par le Parti Républicain a essayé de convoquer Rhodes à une audience intitulée « Le discours de la Maison Blanche sur l’Accord Nucléaire Iranien » mais celui-ci a refusé.
Les liens de Ploughshares avec les médias sont « extrêmement troublants », a affirmé le Représentant du Kansas Mike Pompeo , un détracteur de l’accord iranien.
Pompeo a affirmé à l’AP qu’il avait insisté pour que la NPR l’interviewe l’année dernière face à un partisan Démocrate de l’accord, le Représentant Adam Schiff pour la Californie, qui selon lui était souvent invité sur les ondes de cette station. Mais d’après Pompeo NPR a refusé de le laisser s’exprimer à l’antenne. La station a répondu n’avoir aucune trace des demandes de Pompeo, et a fait la liste de plusieurs Républicains éminents ayant été invités pour parler de l’accord ou des sanctions économiques sur l’Iran.
Autre personne entendue sur la NPR, Joseph Cirincione, le président de Ploughshares. L’année dernière, il s’est exprimé au moins deux fois à l’antenne sur les négociations. La station a identifié une première fois Ploughshares comme un donateur de la NPR, mais a omis de le faire la deuxième fois.
Ploughshares se vante d’aider ceux qui garantissent la sécurité de l’accord. Tandis que le succès de ce dernier a été « garanti par le leadership courageux de l’administration Obama et de ses partisans au Congrès » comme l’a écrit la présidente du conseil Mary Lloyd Estrin dans le rapport annuel, « l’on connaît moins le rôle majeur joué par la société civile pour faire pencher la balance dans cette extraordinaire victoire politique. »
Le document de 33 pages fait la liste des groupes que Ploughshares a financé l’année dernière pour faire la promotion de son programme de non-prolifération.
L’Association pour le Contrôle des Armes a reçu 282 500 $, la Brookings Institution 225 000 $, et l’Atlantic Council (Conseil de l’Atlantique) 182 000 $. Ils ont reçu de l’argent pour des études, briefings et diffusions médiatiques liés à l’Iran, et des études sur le nucléaire non liées à l’Iran.
D’autres groupes, moins directement connus pour leur expertise indépendante dans le domaine du nucléaire, ont également obtenu des donations.
J-Street, le groupe d’action politique juif libéral, a reçu 576 500 $ pour promouvoir l’accord. Plus de 281 000 $ ont été alloués au Conseil national irano-américain.
L’Université de Princeton a reçu 70 000 $ pour soutenir les « études, publications et décisions politiques de l’ancien ambassadeur iranien et porte-parole sur le nucléaire Seyed Hossein Mousavian portant sur les divers éléments relatifs à l’accord négocié sur le programme nucléaire iranien. »
Ploughshares s’est également intéressé à d’autres organisations médiatiques.
Dans un « Rapport sur la Stratégie Culturelle » publié sur son site web, le groupe présente son objectif plus large qui est d’ « assurer une couverture régulière et précise des questions nucléaires dans des organes de presse réputés et stratégiques » tels que le Guardian, Salon, le Huffington Post, ou Pro Publica.
Des efforts précédents ont échoué à générer une couverture suffisante, note le rapport. Parmi ces efforts, « le financement de reporters à The Nation et Mother Jones et un partenariat avec le Center for Public Integrity (Centre pour l’intégrité publique) pour créer un bureau de sécurité nationale ». Il suggère l’utilisation de « vidéos en ligne, de podcasts, d’articles basés sur des photos » ainsi que d’autres « formats qui attirent l’attention » pour « reformuler la question avec créativité. »
Le PDG du Center for Public Integrity, Peter Bale, a confirmé la dotation.
« Aucune des subventions reçue par Ploughshares ne concernait la couverture de l’accord iranien », a affirmé Bale, dont la société a perçu 70 000 $. « En général, nous évitions ce sujet parce qu’il ne se prêtait pas au type de reportage d’investigation que fait le Centre. »
Caitlin Graf, une porte-parole à The Nation, a affirmé que son média n’avait aucun partenariat avec Ploughshares. Elle a suggéré d’adresser ces interrogations à The Nation Institute, un organisme à but non lucratif associé avec le magazine, qui cherche à renforcer la presse indépendante et promouvoir la justice sociale. Taya Kitman, la directrice de l’institut, a affirmé que la subvention d’un an de Ploughshares visait à soutenir les reportages sur la politique États-Unis-Iran, mais qu’un contrôle éditorial strict était préservé.
Le service médias de Mother Jones n’a pas répondu à plusieurs demandes de commentaires.
L’AP a reçu des subventions de groupes apolitiques et de fondations de journalisme telles que la Fondation Knight. Comme avec toutes les subventions, « l’AP conserve un contrôle éditorial complet sur les nouvelles finales publiées, qui doivent satisfaire pleinement aux normes de l’AP pour l’indépendance et l’intégrité », a affirmé l’éditeur et rédacteur en chef adjoint de l’AP Thomas Kent.