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Prendre l’Iran au sérieux

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Métro, 19 avril – Alors que les cinq membres du Conseil de sécurité de l’ONU et l’Allemagne étaient réunis hier soir pour discuter du nucléaire iranien, Thérèse Delpech* revient sur ce dossier.

Interview

-Quel crédit accorder aux menaces réciproques entre les Etats-Unis et l’Iran ?

Les Etats-Unis sont toujours engagés, avec les Européens et le Conseil de sécurité, dans la phase diplomatique. Mais leur politique est de ne jamais écarter l’option militaire ; c’est un élément de dissuasion. Il faut le prendre au sérieux. Du côté iranien, il y a beaucoup d’intox mais Téhéran n’hésite pas à reconnaître publiquement qu’il pourrait utiliser le terrorisme.

-Détient-on la preuve que l’Iran cherche à se doter de l’arme nucléaire ?

On détient un faisceau d’indices convergents, sans lesquels le dossier ne serait pas au Conseil de sécurité. Parmi ceux-ci, dix-huit ans de dissimulation d’activités liées à l’enrichissement de l’uranium et à la séparation du plutonium, les deux voies d’acquisition de l’arme, mais aussi des liens avec le réseau pakistanais d’A.Q. Khan, qui a proposé ses services à plusieurs pays depuis le milieu des années 1980, et le développement de technologies qui n’ont aucun intérêt civil, comme l’enrichissement par laser.

-Pourquoi la communauté internationale se montre-t-elle si passive ?

Il y a accord sur les ambitions iraniennes. Il y a accord sur les risques que ces ambitions feraient courir à la région et au régime de non- prolifération. Il n’y a pas accord sur la réponse à donner.

-Quels scénarios sont possibles pour l’avenir ?

Si l’on veut une issue diplomatique, il faut adopter rapidement des sanctions graduées qui fassent réfléchir l’ayatollah Khamenei sur la politique de confrontation qui a été adoptée. Contrairement à ce que l’on prétend, l’Iran pourrait difficilement résister à un véritable isolement international avec 250 000 jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du travail. En particulier, Téhéran a beaucoup plus besoin de vendre son pétrole que le monde extérieur de l’acheter.

-L’Iran ne peut-il tout simplement suivre l’exemple nord-coréen et se retirer du Traité de non-prolifération ?

Ce n’est pas la voie choisie pour l’instant, mais cette option demeure. Elle aurait le mérite de clarifier la situation et de bien montrer que c’est l’arme nucléaire qui est visée par les autorités.

-Y a-t-il une autre raison légale d’interdire à l’Iran de se doter de l’arme nucléaire ?

Le TNP est le seul instrument juridique international dans ce domaine.

-Israël est-il en danger ?

Les déclarations outrancières du président iranien, répétées à l’envi, donnent une idée de la position du régime actuel envers Israël. C’est un langage que ne tiendrait aucun dirigeant arabe. Je ne vois aucune raison de ne pas prendre Mahmoud Ahmadinejad au sérieux quand il prétend qu’Israël est une « tumeur » qui doit être « rayée de la carte ».

-Quelle est la position des pays arabes et sur quels appuis pourrait éventuellement compter l’Iran ?

Les pays arabes sont inquiets, particulièrement dans le Golfe, car les ambitions nucléaires iraniennes sont vues comme un moyen de s’assurer la domination de la région au XXI e siècle. Les appuis de l’Iran sont surtout de nature passive, par des pays comme la Russie et la Chine, qui jouent la montre et qui s’opposent à la seule stratégie qui puisse éviter l’usage de la force, c’est-à-dire les sanctions.

-La population iranienne soutient-elle ses dirigeants ?

Elle les soutient pour un programme nucléaire pacifique, par pour une arme nucléaire. C’est une des raisons pour lesquelles Téhéran parle toujours d’un programme civil. Et comme la priorité de la population est d’avoir un niveau de vie plus élevé, il n’est pas du tout certain qu’elle accepterait aisément les conséquences économiques de l’isolement que Mahmoud Ahmadinejad est en train de créer.

Propos recueillis par Claire Cousin

*Thérèse Delpech, chercheur au Ceri, est l’auteur de L’Iran, la bombe et la démission des nations , éd. Autrement, 135 p., 15 e .

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