Le Figaro, 2 juin De Maurin Picard Ce ne sont encore que des frémissements. Mais l’agitation qui a gagné ces derniers jours les cercles diplomatiques occidentaux laisse espérer un tournant dans la crise nucléaire iranienne, après trois ans de vaines négociations avec Téhéran. Les ministres des Affaires étrangères des cinq Etats membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, accompagnés de leur homologue allemand, se sont retrouvés hier soir à Vienne pour finaliser une offre globale de coopération, assortie de menaces, avec l’Iran, en espérant qu’il renonce à son programme nucléaire controversé.
Réunis à la résidence de l’ambassadeur britannique, les représentants du groupe dit des «5+1» ont débattu d’un «paquet de mesures incitatives», qui devrait être proposé à Téhéran «dans les prochains jours». Ces mesures avaient pour l’essentiel déjà été proposées lors des négociations euro-iraniennes, interrompues en août 2005, après la relance par Téhéran de ses activités de conversion de l’uranium. Le principe est simple. Les principales puissances mondiales sont prêtes à garantir à l’Iran le droit à l’énergie nucléaire civile, à condition qu’il coopère pleinement avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Elles s’engagent à fournir à l’Iran un réacteur à eau légère, jugé beaucoup moins proliférant que celui, à eau lourde, dont les Iraniens achèvent la construction à Arak. Elles proposent de fonder une «banque internationale» de combustible nucléaire.
Soutien pour l’adhésion iranienne à l’OMC
Dans un deuxième volet, économique, les «5+1» assurent l’Iran de leur soutien pour adhérer à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Dans un troisième, les inquiétudes iraniennes en matière de sécurité régionale seraient abordées, eu égard à la présence militaire américaine en Turquie, en Irak et en Afghanistan, frontaliers de l’Iran. En retour, l’Iran accepterait un plafond de son taux d’enrichissement d’uranium en-dessous de 20%, c’est-à-dire dans les limites fixées par l’AIEA pour empêcher une utilisation militaire.
L’offre, déjà rejetée une fois par Téhéran, souffrait à l’époque d’une grave faiblesse : elle n’impliquait pas les Etats-Unis, dont l’Iran veut pourtant s’assurer qu’ils ne chercheront pas à renverser son régime islamique. La situation a basculé avant-hier, lorsque Washington a annoncé son intention de participer aux négociations avec l’Iran. C’est une ouverture historique après vingt-six ans de brouille, depuis la prise d’otages à l’ambassade américaine de Téhéran en 1979. Elle est conditionnée à l’acceptation, par Moscou et Pékin, d’un recours aux sanctions contre Téhéran en cas d’échec du processus, ainsi qu’à l’engagement de l’Iran de cesser ses activités d’enrichissement de l’uranium.
Russes, Européens et Chinois ont unanimement salué cette démarche inédite. Le chef de la diplomatie française, Philippe Douste-Blazy, a délivré un satisfecit, de même que ses homologues allemand, russe et chinois et que Javier Solana, le représentant de l’Union européenne pour la politique étrangère. Derrière cette unité de façade, pourtant, quelques bémols laissent présager des lendemains difficiles à la réunion de Vienne. Pékin reste hostile par principe à «l’utilisation arbitraire de sanctions». Cela vide de sa substance le compromis entre grandes puissances espéré par Washington. L’Iran de son côté, après avoir manifesté des signes d’apaisement vis-à-vis des Etats-Unis, souffle à nouveau le froid. Hier, le ministre des Affaires étrangères Manouchehr Mottaki a déclaré que Téhéran «soutenait un dialogue juste et impartial, mais ne discuterait pas de ses droits inaliénables et légitimes» de mener son propre programme nucléaire.