24 Heures (Suisse), 13 février – La présidente de la Confédération a reçu hier lémissaire du guide suprême iranien. Pour lui soumettre un plan de règlement de la crise nucléaire? Cest ce quon prétend à Téhéran. Curieuse nouvelle, qui trouble lunité européenne.
Tiens, tiens Ali Laridjani, le principal négociateur iranien du dossier nucléaire, a été reçu hier à Berne par la présidente de la Confédération, Mme Micheline Calmy-Rey. Une rencontre certes «informelle», mais organisée dans un délai relativement bref, reconnaît Jean-Philippe Jeannerat, porte-parole du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE).
Or, les spéculations sur une initiative suisse pour résoudre la crise nucléaire circulent depuis plusieurs jours en Iran. Hier matin à Téhéran, Mohammad Ali Hosseini, porte-parole du Ministère des affaires étrangères, déclarait lors d’un point de presse: «Nous ne connaissons pas encore les détails de la proposition suisse, mais sommes prêts à en discuter.» Le DFAE et l’ambassade suisse à Téhéran se sont tour à tour refusés à tout commentaire. Mais au terme de sa rencontre avec Mme Calmy-Rey, Ali Laridjani a déclaré que des progrès avaient été réalisés sur certains points mais que la discussion devait être poursuivie sur d’autres. Ajoutant: «La Suisse a un important rôle de médiateur à jouer pour rapprocher les différentes parties.»
Comme un chien dans le jeu de quilles européen
Dimanche à Munich, à l’occasion de la conférence internationale sur la sécurité, le même Laridjani affirmait que son pays était prêt sous trois semaines à régler les questions encore en suspens avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).
Bref, tout porte à croire que la Suisse a bel et bien fait une proposition à l’Iran. Laquelle? Selon l’agence Reuters, l’initiative suisse prolongerait l’offre soumise par Mohammad ElBaradei, directeur de l’AIEA. Celui-ci demandait une suspension simultanée des sanctions et de l’enrichissement, avant d’entamer des négociations. L’initiative suisse, fait nouveau, permettrait à l’Iran de maintenir ses installations actuelles d’enrichissement d’uranium tout en l’engageant, jusqu’à la fin des négociations, à s’abstenir d’injecter de l’hexafluorure d’uranium (UF6) dans ses centrifugeuses.
Toujours selon la même source, un diplomate européen, qui a participé à l’élaboration de cette proposition, a déclaré samedi soir: «L’Iran aurait ainsi la possibilité de poursuivre tous les processus de recherches liés au circuit de combustible, sans utiliser pour autant de l’uranium. Nous attendons des Iraniens qu’ils prennent cette suggestion au sérieux, même si les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ne l’estiment pas adéquate.»
Il est encore trop tôt pour savoir si cette démarche a reçu l’aval de tous les pays de l’Union européenne. Un diplomate britannique, sous couvert de l’anonymat, s’insurge: «Certains membres de l’UE veulent faire cavalier seul. Personne n’est venu nous demander si nous étions d’accord avec une telle proposition!»
Devant les incessantes menaces militaires américaines et une dégradation du climat politique dans la région, Téhéran tient à calmer le jeu. La grande fête nucléaire, promise à l’occasion des festivités du 28e anniversaire de la Révolution islamique, n’a pas eu lieu. Le président Ahmadinejad semble avoir été rappelé à l’ordre. L’affaire nucléaire est reprise en main par M. Laridjani, qui représente le Guide Suprême (l’ayatollah Khamenei) au Conseil de sécurité nationale et par M. Velayati, conseiller personnel du Guide.