Libération.fr, 23 février Par Marie-Laure Colson – Loin de geler ses activités d’enrichissement d’uranium, l’Iran les intensifie, défiant la résolution adoptée le 23 décembre par le Conseil de sécurité de l’ONU. C’est la teneur du rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) rendu public hier à Vienne.
Ce n’est pas une surprise : le président Mahmoud Ahmadinejad avait, la veille de la publication de l’enquête de l’AIEA, prévenu qu’il était hors de question que les Occidentaux «[nous »> privent de [notre »> droit». Hier, l’un des responsables de l’Organisation iranienne de l’énergie atomique a enfoncé le clou : «L’Iran estime qu’une suspension de l’enrichissement est contraire à ses droits, au traité de non-prolifération et aux règles internationales», a déclaré Mohammad Saïdi en réaction au rapport de Mohamed el-Baradei, directeur de l’AIEA.
CENTRIFUGEUSES. L’Agence affirme que l’Iran poursuit l’enrichissement d’uranium dans une usine pilote à Natanz, au centre du pays. Là, mais dans un vaste site souterrain, Téhéran a aussi installé quatre cascades de 164 centrifugeuses, les machines qui permettent d’enrichir l’uranium et donc de produire du combustible nucléaire à usage civil ou militaire. Selon le rapport, le niveau d’enrichissement est «inférieur à 5 %», très en dessous des 90 % nécessaires pour pouvoir fabriquer des bombes atomiques.
La quantité de gaz (hexafluorure d’uranium) utilisée jusqu’alors pour alimenter l’usine pilote a été de 66 kilos, une quantité jugée minime et qui ne peut servir qu’à des fins de recherche. Dans le site souterrain, protégé contre d’éventuelles frappes aériennes, l’Iran fait déjà fonctionner deux cascades sur quatre, mais «à vide», sans y introduire l’hexafluorure d’uranium nécessaire à l’enrichissement. L’AIEA dénonce au passage le manque de coopération de Téhéran, qui refuse notamment l’installation de caméras de surveillance. Selon l’Agence, l’Iran compte porter à une «échelle industrielle» l’enrichissement de son combustible nucléaire. Ce que Téhéran confirme en disant vouloir faire fonctionner 3 000 centrifugeuses en mai.
SANCTIONS. Hier, à la réception du rapport, Washington s’est dit déçu que l’Iran n’ait pas rempli ses obligations. Peu avant, la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice avait assuré que les Etats-Unis «ne cherchaient pas la confrontation avec l’Iran» et offert de reprendre les discussions… à condition que les Iraniens cessent l’enrichissement. La France, elle, souhaite l’adoption d’une nouvelle résolution pour «continuer les sanctions». Mais le Conseil de sécurité pourrait ne pas se réunir formellement avant la semaine prochaine au plus tôt.
En attendant, les services de renseignement et les analystes indépendants estiment qu’il faudra, notamment en raison de difficultés techniques, encore dix ans à l’Iran pour disposer d’assez d’uranium enrichi pour fabriquer des bombes nucléaires.