AFP, Washington, 20 septembre – Le chef de la diplomatie française Bernard Kouchner a eu des échanges animés jeudi au Congrès américain avec des parlementaires sur les sanctions contre Téhéran, au premier jour d’une visite officielle à Washington sur fond de crise sur le nucléaire iranien.
« Sur la moitié des sujets, nous n’étions pas d’accord, donc la tonalité c’est la franchise », a déclaré à la presse M. Kouchner à l’issue d’un entretien avec le président de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants, le démocrate Tom Lantos.
M. Lantos, qui qualifié d' »excellente » la rencontre en quittant la salle, a fait adopter en commission une proposition de loi qui envisage de pénaliser sur le territoire américain toute entreprise présente en Iran.
La France est très présente en Iran dans des secteurs comme les hydrocarbures ou l’automobile et ces mêmes entreprises sont souvent également présentes aux Etats-Unis.
« Nous n’étions pas d’accord pour renforcer un certain nombre de sanctions proposées et qu’il y ait des mesures contre les entreprises », a souligné M. Kouchner, qui s’est toutefois félicité du dialogue. « C’est le ton qui a changé », a-t-il fait valoir.
M. Kouchner devait rencontrer ensuite au Pentagone le secrétaire américain à la Défense Robert Gates. Pour M. Gates, avec qui M. Kouchner devait aborder également la question de l’Irak, la diplomatie reste « la meilleure approche » face à l’Iran, même si « toutes les options restent ouvertes ».
Dans les couloirs du Congrès, le ministre français s’est de nouveau expliqué devant la presse sur ses déclarations controversées de dimanche.
« Non, non, nous ne sommes pas prêts à attaquer qui que ce soit ! », a-t-il répondu à un journaliste qui lui demandait si la France était prête à attaquer l’Iran. « Nous voulons, au contraire, parler et imposer la paix et la détente dans cette région », a-t-il assuré, en estimant qu' »il y a trop de tension ».
Dimanche, il avait estimé que le monde devait se « préparer au pire », c’est-à-dire à la possibilité d’une « guerre » avec l’Iran. Mais il avait également appelé à « négocier jusqu’au bout » pour éviter que Téhéran ne se dote de l’arme atomique et demandé des sanctions européennes.
Ces déclarations lui avaient valu les félicitations de Washington, qui avait salué dès le lendemain « le sérieux de la position française ». Mais elles avaient provoqué une polémique, certains pays, comme l’Afrique du Sud, l’accusant d’avoir « accru les tensions dans la région et dans le monde ».
Dans la matinée de jeudi, M. Kouchner a rencontré les responsables des principales organisations juives américaines. Il devait ensuite faire un discours au Center for strategic and international studies (CSIS) et rencontrer dans la soirée des représentants d’instituts de recherche américains.
Vendredi M. Kouchner doit être reçu à la Maison Blanche par le conseiller présidentiel à la Sécurité nationale, Stephen Hadley, avant de retrouver au département d’Etat son homologue Condoleezza Rice.
La question de l’adoption de nouvelles sanctions contre l’Iran au Conseil de sécurité, ou, faute d’accord, en dehors de l’ONU dans le cadre européen, devait être au coeur de ses entretiens avec Mme Rice.
Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité (Chine, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Russie) devaient se réunir ce même vendredi au niveau des directeurs politiques dans la capitale américaine pour envisager un troisième train de sanctions contre Téhéran.
M. Kouchner arrive avec un a priori favorable de Washington: il incarne à la fois la nouvelle fermeté française vis-à-vis de l’Iran et une volonté de dépasser la brouille irakienne.
Sa visite à Bagdad fin août – la première d’un membre du gouvernement français depuis la chute de Saddam Hussein en 2003 – avait été saluée à Washington.