Le Figaro, 15 novembre – Craignant les représailles de Téhéran contre ses installations pétrolières, lArabie saoudite sest rapprochée de Moscou, qui a loreille des Iraniens dans la crise du nucléaire.
Après avoir misé sur le dialogue, les responsables saoudiens semblent sêtre résignés à une attaque américaine contre lIran. «Nous nous approchons de plus en plus près dune confrontation», affirme au Figaro Abdel Mohsen Hakas, le ministre des Affaires sociales. «Le ton de George Bush nous donne à penser quil a décidé de ce quil allait faire», renchérit Rihab Massoud, bras droit du prince Bandar Ben Sultan, lancien ambassadeur saoudien aux États-Unis, très bien introduit outre-Atlantique. Sous-entendu : le président américain ne quittera pas la Maison-Blanche sans avoir «traité» la menace que représente le nucléaire iranien.
Officiellement, la monarchie saoudienne, alliée de Washington, soppose à un nouveau conflit, de peur de voir la déstabilisation du Moyen-Orient saggraver. «Mais sil éclate, les Saoudiens lapprouveront tacitement», note un diplomate occidental à Riyad. Tout autant que le nucléaire, lArabie saoudite redoute linfluence grandissante de Téhéran chez les pays arabes sunnites, comme lArabie. «Lorsquon parle du nucléaire iranien aux Saoudiens, poursuit le diplomate occidental, ils répondent Iraniens en Irak, Iraniens au Liban, Iraniens en Palestine et en Syrie.»
Adossée à ses richesses pétrolières et gardienne des lieux saints musulmans, lArabie se voit comme le défenseur du monde sunnite face à lIran chiite. À lété 2006, Riyad dénonça «laventurisme» du Hezbollah libanais, allié de lIran, qui déclencha les hostilités face à Israël.
Malgré cette tentative de coup de force iranien dans un pays cher aux Saoudiens, au cours des mois qui suivirent, le prince Bandar rencontra à plusieurs reprises son homologue iranien à la tête du Conseil national de sécurité, Ali Larijani, qui vient de démissionner. Sous légide du roi Abdallah, les Saoudiens tenaient à maintenir le contact avec leurs voisins.
«Discuter avec les Iraniens ne produit aucun résultat»
«Depuis dix mois, nous ne sommes plus allés en Iran, regrette Rihab Massoud. Sur la question du nucléaire comme sur le Liban, nous avons le sentiment que discuter avec les Iraniens ne produit aucun résultat.»
LArabie fut encore déçue par la visite du président Mahmoud Ahmadinejad en mars à Riyad, qui ne déboucha sur aucune concession iranienne. Au contraire, les Saoudiens continuèrent dobserver lem-prise croissante de Téhéran chez les chiites dIrak ; et aujourdhui que les bruits de bottes se rapprochent, ils redoutent des infiltrations iraniennes parmi leur minorité chiite, vivant dans les provinces pétrolières à lest du royaume.
Pour le ramadan, bien peu dIraniens ont été vus en octobre à La Mecque. Dernièrement, la seule rencontre à haut niveau fut celle entre le ministre saoudien de lIntérieur, le prince Nayef, et son homologue iranien des Renseignements et de la Sécurité, Gholam-Hossein Mohseni-Ejei. Attendu au prochain sommet de lOrganisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), ce week-end dans la capitale saoudienne, le président Mahmoud Ahmadinejad devrait toutefois sentretenir avec le roi Abdallah.
Même si les Américains nont pas besoin du territoire saoudien pour frapper lIran, Riyad sinquiète déventuelles représailles iraniennes contre ses installations pétrolières. «Si les Iraniens veulent faire mal aux États-Unis, ils chercheront à stopper nos lignes dapprovisionnement pétrolières en attaquant le terminal dAbqaiq ou la raffinerie de Ras al-Tannoura», prévient M. Hakas. Ces craintes expliquent lextrême prudence de la diplomatie saoudienne à safficher face à lIran. «Quand on leur propose une déclaration commune sur le nucléaire, ils refusent», reconnaît un diplomate français.
Le long des côtes du golfe Persique, larmée ou la marine saoudienne ne donnent pas limpression de se préparer à un conflit. Lorsquil y a quelques mois, un navire iranien cherchant à tester les capacités de ripostes adverses entra dans les eaux territoriales saoudiennes, la réponse de Riyad fut là encore parfaitement proportionnée.
Alors que la France et la Grande-Bretagne encouragent un durcissement des sanctions contre lIran, la diplomatie saoudienne veut croire en une médiation de la Russie. «Les Russes ont de bonnes relations avec les Iraniens, estime Rihab Massoud, ils peuvent jouer un rôle utile.»
Après la visite de Vladimir Poutine la première dun chef du Kremlin chez les Saoud le prince Bandar sest rendu à Moscou ; et pour récompenser ses nouveaux partenaires russes, Riyad devrait leur acheter près dune centaine dhélicoptères. «Mais les Russes nous ont confié que lambiance à Téhéran leur rappelait étrangement latmosphère à Bagdad les mois précédant la guerre en 2003», constate amèrement Rihab Massoud.