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Nucléaire : l’Iran ne lève pas les doutes de l’AIEA

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Le Monde, 16 novembre – Guetté comme une étape cruciale dans la crise diplomatique autour du nucléaire iranien, le rapport que le directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Mohamed El Baradei, a remis, vendredi 16 novembre, est un document lourd d’ambiguïtés, susceptible de donner lieu à des interprétations divergentes, et donc d’attiser les tiraillements à l’ONU à propos de nouvelles sanctions contre Téhéran.

Le texte ne délivre pas un satisfecit à l’Iran, mais évoque des « progrès substantiels » dans la coopération de Téhéran avec l’AIEA. Il qualifie ces avancées d' »insuffisantes », mais demande plus de temps pour la poursuite de pourparlers visant à éclaircir des aspects du programme nucléaire iranien.

Les Etats-Unis ont aussitôt réagi en commentant que le rapport dressait un bilan négatif du comportement de l’Iran, et qu’en conséquence « une troisième série de sanctions du Conseil de sécurité » de l’ONU devait être élaborée. Washington a annoncé, jeudi, qu’il allait « travailler » dans ce sens avec ses « partenaires » à l’ONU.
La France et le Royaume-Uni ont mis en exergue le fait que l’Iran n’avait toujours pas respecté les demandes de la communauté internationale, notamment à propos de la suspension de l’enrichissement d’uranium. Mais ces deux pays ont aussi lié le passage à de nouvelles sanctions, à l’ONU, à la remise d’un second rapport, prévu à la fin du mois : celui du chef de la diplomatie européenne, Javier Solana, qui doit se prononcer sur la réponse apportée par l’Iran à une offre de coopération transmise en 2006 par les grandes puissances.

Le pouvoir iranien a pour sa part exprimé sa satisfaction. Selon le président iranien Mahmoud Ahmadinejad, le rapport montre que « la nation iranienne a eu raison » de « résister » face aux Occidentaux. Le négociateur iranien pour le nucléaire, Saïd Jalili, a ajouté que le rapport dessaisissait de fait le Conseil de sécurité de l’ONU du dossier nucléaire.

COOPÉRATION « RÉACTIVE, PLUTÔT QUE SPONTANÉE »

Le rapport de neuf pages énumère un certain nombre de gestes que l’Iran a consentis dans le cadre d’un « plan de travail » mis en place en août entre Téhéran et l’AIEA. Celui-ci vise à faire la lumière sur les activités nucléaires passées de la République islamique, restées clandestines pendant près de vingt ans. Le rapport évoque des « clarifications » fournies par l’Iran, mais il observe qu’il n’y a pas de « pleine transparence ».

La coopération de l’Iran avec l’AIEA a été « réactive, plutôt que spontanée », dit le document. Plusieurs questions, notamment celles relatives aux potentiels aspects militaires du programme, restent en suspens. Il faudra encore « plusieurs semaines » pour tenter de les tirer au clair.

L’AIEA constate que sa connaissance du programme iranien « va en diminuant », car Téhéran refuse de soumettre ses installations à des inspections larges et inopinées. L’agence se dit incapable de garantir « la nature exclusivement pacifique » du programme, puisqu’elle ne peut certifier « l’absence de matériel et d’activités nucléaires non déclarées ». La possibilité qu’un pan du programme nucléaire soit resté clandestin est ainsi évoquée, en filigrane.

Le rapport apporte pour la première fois la confirmation officielle que l’Iran a commencé à expérimenter, sur des centrifugeuses P-2, un matériel sophistiqué obtenu auprès du réseau clandestin du scientifique pakistanais Abdul Qadeer Khan. Les P-2 permettent d’enrichir de l’uranium dans des délais beaucoup plus rapides que les centrifugeuse P-1 installées dans l’usine de Natanz, qui est placée depuis quatre ans au cœur du contentieux entre l’Iran et les Occidentaux.

Les inspecteurs de l’AIEA ont par ailleurs constaté, le 3 novembre, que quelques 3 000 centrifugeuses fonctionnaient désormais à Natanz. Ce nombre permet en théorie de fabriquer, en l’espace d’un an, suffisamment de matière fissile pour fabriquer une bombe nucléaire. Toutefois, ces centrifugeuses ne fonctionnent pas à plein potentiel, et elles n’enrichissent pas l’uranium à un taux élevé, qui seul peut être utilisé dans le militaire.

Le rapport révèle aussi que certains équipements livrés à l’Iran par le « marché noir » nucléaire d’Abdul Qadeer Khan avaient été, à l’origine, destinés à la Libye, avant que celle-ci renonce à son programme d’armes de destruction massives.

La Russie, dont le positionnement sera déterminant à l’ONU, n’a pas réagi, jeudi, au rapport de M. El Baradei. Signe de la difficulté des tractations à venir entre grandes puissances, l’ambassadeur américain à l’ONU, Zalmay Khalilzad, a appelé la Chine à ne pas « se mettre en travers d’une diplomatie efficace pour résoudre » la crise du nucléaire iranien. Il a déclaré que la Chine « traînait les pieds » dans les discussions sur des sanctions.

Le 28 septembre, le groupe des six pays traitant du dossier iranien (Etats-Unis, Chine, France, Royaume-Uni, Russie, Allemagne) était convenu qu’en cas de rapport négatif établi par M. El Baradei, ou par M. Solana, les discussions sur de nouvelles sanctions à l’ONU – gelées depuis l’été – seraient réactivées.

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