par Louis Charbonneau
VIENNE (Reuters) 14 sept – Les accusations américaines selon lesquelles l’Iran développe secrètement une arme atomique ne sont étayées par aucune preuve concrète, mais il serait prématuré de conclure que le programme nucléaire iranien est entièrement pacifique, a déclaré mardi Mohamed ElBaradeï.
« Avons-nous vu des preuves de l’existence d’un programme d’armements (en Iran)? Avons-nous détecté des activités non déclarées d’enrichissement (d’uranium) ? (…) A ce jour, il est clair qu’il n’y a rien de cela », a déclaré le directeur de l’Agence internationale de l’Energie atomique avant de prendre part à une session à huis clos du Conseil des gouverneurs de l’AIEA à Vienne.
« Mais sommes-nous en mesure de dire que tout cela est pacifique? Il est évident que nous n’en sommes pas là », a-t-il dit, résumant les résultats de deux ans d’enquête de l’AIEA sur le programme atomique iranien.
ElBaradeï s’était déjà opposé aux Etats-Unis avant la guerre en Irak en contestant les affirmations américaines selon lesquelles le régime de Saddam Hussein cherchait secrètement à relancer un programme nucléaire interdit. Sur le terrain, les experts de l’Onu ont découvert des traces d’activités potentiellement liées à des objectifs militaires en Iran mais aucune preuve irréfutable d’un programme de fabrication d’arme atomique.
Le conseil des gouverneurs de l’AIEA doit étudier cette semaine un projet de résolution présenté par la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne demandant à l’Agence de prendre une décision définitive d’ici le mois de novembre au sujet du programme iranien.
Washington souhaiterait que cette procédure aboutisse à la saisine du Conseil de sécurité de l’Onu en vue d’éventuelles sanctions contre la République islamique. L’Iran, qui affirme que son programme est purement civil, considère en revanche que le temps est venu de le blanchir de tout soupçon.
PRESSIONS AMÉRICAINES
ElBaradeï a toutefois prévenu qu’il n’était absolument pas certain de pouvoir conclure l’enquête de l’AIEA d’ici le mois de novembre.
Les Etats-Unis font pression sur le « trio européen » pour qu’un mécanisme automatique de saisine du Conseil de sécurité soit inclus dans le projet de résolution.
Paris, Londres et Berlin ont rejeté cette idée mais accepté en revanche la proposition formulée par Washington de fixer à l’Iran une date-butoir, le 31 octobre, pour dissiper tous les doutes de la communauté internationale sur son programme nucléaire.
L’Iran négocie avec la France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne depuis octobre 2003, lorsque Téhéran a accepté une suspension de toutes ses activités d’enrichissement d’uranium en échange d’une coopération nucléaire civile.
Malgré les déclarations menaçantes de responsables iraniens sur la reprise des activités d’enrichissement, des diplomates affirment qu’une extension de cet accord de 2003 serait en cours de négociation pour inclure également la suspension de la production, de l’assemblage et de la mise à l’essai de centrifugeuses.
Fortement enrichi, l’uranium peut servir à la fabrication d’armes nucléaires.
Pour Elbaradeï toutefois, le problème de la coopération avec l’AIEA dépasse le seul cadre de l’Iran.
« Il est important de reconnaître les progrès et de dire que nous aimerions pouvoir constater une coopération accélérée de la part de l’Iran (et) des autres pays qui ont été impliqués », a-t-il souligné, en référence à peine voilée au Pakistan, qui a secrètement transféré une partie de sa technologie nucléaire à l’Iran.