IranNucléaireLes négociations avec l'Europe marquent le pas

Les négociations avec l’Europe marquent le pas

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Le Figaro, 5 avril – Les diplomates européens avaient prévenu : «Les négociations avec l’Iran seront longues, très longues. Un an, peut-être.» Cet excès de prudence, formulé avant même le début des pourparlers en décembre 2004, n’était pas vain. A l’issue d’un premier cycle d’âpres discussions entre Téhéran et l’«UE3», la troïka européenne réunissant les diplomaties française, anglaise et allemande, le bilan est maigre. La résolution du dossier nucléaire iranien tarde à s’esquisser, malgré les «progrès» entrevus.

Le comité de pilotage des négociations, qui regroupe des hauts fonctionnaires des Affaires étrangères de Téhéran, Paris, Londres et Berlin, s’est réuni le 23 mars à Paris, pour faire un point sur les trois «corbeilles» constituées en groupes d’experts : commercial et technique, nucléaire, et sécurité régionale.

Dans une atmosphère «sereine et studieuse», selon un participant, les deux parties ont fait état de leurs points de vue divergents, qui paraissent inconciliables.

Les Iraniens clament toujours leur bon droit à enrichir l’uranium à des fins pacifiques, comme le répétait le président Mohammad Khatami le 30 mars, ce que les Européens refusent catégoriquement, soupçonnant comme les Etats-Unis un grand dessein militaire.

Les discussions ont parfois été très «franches», observe un diplomate. «Pourquoi ne nous traitez-vous pas comme le Brésil ou le Japon ?» nous demandaient-ils régulièrement. Tout simplement parce que ces pays-là n’ont pas dissimulé de programme clandestin pendant dix-huit ans et ont prouvé qu’ils n’entendaient pas se doter de l’arme nucléaire !

Ce «déficit de confiance» déploré par Mohammed Elbaradei, directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), n’a d’ailleurs pas été comblé par les inspections menées depuis deux ans et demi. Les limiers de l’ONU n’ont pas découvert de preuve confondante mais les folles ambitions du programme nucléaire iranien, disproportionnées par rapport aux besoins énergétiques du pays, les laissent dubitatifs.

Arc-boutés sur leur position de principe, menaçant constamment de reprendre leurs activités d’enrichissement si les négociations s’enlisaient, les Iraniens n’ont toutefois pas osé sauter le pas.

«Le simple fait de négocier avec les Européens constitue une grande victoire pour Téhéran, note un proche du dossier. Cela retarde d’autant une confrontation avec Washington», résolu à traîner l’Iran devant le Conseil de sécurité, voire à engager des représailles militaires si nécessaire.

Pour lâcher du lest, le 23 mars, Téhéran a timidement évoqué des «garanties concrètes», répondant au principe de «garanties objectives» que réclament les Européens.

Ces propositions restent en l’espèce inacceptables. Il s’agirait pour Téhéran de pouvoir bénéficier d’une capacité limitée d’enrichissement avec un nombre restreint de centrifugeuses, 500 au plus, durant une «phase pilote». Pour rassurer la communauté internationale, les contrôles de l’AIEA seraient renforcés, au titre du protocole additionnel du traité de non-prolifération (TNP) signé par Téhéran en décembre 2003.

«Nous les avons sagement écoutés, concède un négociateur européen sous couvert d’anonymat. Mais notre position reste ferme et intangible : la seule garantie objective que nous acceptions de considérer est la cessation totale des activités d’enrichissement (de l’uranium) et de retraitement (du combustible nucléaire).»

Face à cette impasse, les Européens avancent pour leur part des «mesures concrètes intérimaires», mais refusent d’en révéler la teneur. Tout juste le diplomate reconnaît-il qu’il pourrait s’agir, entre autres, d’une mission technique d’experts pour évaluer les besoins énergétiques de l’Iran.

Le principal progrès est venu de là où on l’attendait le moins. Dans le sillage de la visite en Europe du secrétaire d’Etat américain Condoleezza Rice puis du président George W. Bush, en février, les Etats-Unis ont décidé d’assouplir leur position à l’égard de l’Iran. Convaincus de la résolution européenne à empêcher les Iraniens de maîtriser tout le cycle nucléaire, ils ont accepté de substantielles concessions en matière commerciale et technique. Washington lève discrètement son veto à la candidature iranienne à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), après s’y être par dix-huit fois opposé, et autorise la livraison de pièces détachées qui depuis vingt-cinq ans font défaut à la flotte de Boeing d’Iran Air.

Reste une assurance en termes de sécurité que Washington rechigne à donner, en attendant plus de garanties : la promesse de renoncer à l’option militaire contre le régime des mollahs.

La balle est dans le camp iranien. Mais il est peu probable que la réponse vienne de sitôt. Le 17 juin, la république islamique doit élire son futur président. Et aucun candidat ne veut s’afficher comme celui qui bradera l’industrie nucléaire, devenue enjeu de souveraineté nationale et symbole ultime de puissance.

«Il va y avoir un cap difficile à passer», reconnaît le diplomate, qui ne s’attend pas à de grandes avancées d’ici à l’été. «Après cela, on y verra plus clair.»

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