LHumanité, 1 avril – Loin dêtre tétanisé par une menace américaine ou sur ses gardes dans le cadre de ses négociations avec les Européens concernant son pouvoir nucléaire, lIran a invité mercredi plusieurs dizaines de journalistes à accompagner le président Mohammad Khatami dans sa visite dune usine denrichissement à Natanz, à 270 km au sud de Téhéran, et dune installation de transformation de luranium dans la ville proche dIspahan.
Une initiative qui survient une semaine après la réunion, à Paris, du comité de pilotage de la négociation entre lIran dune part, la France, la Grande-Bretagne et lAllemagne de lautre. « Malgré les pressions de tous bords pour la priver de technologie nucléaire pacifique, la République islamique est sur le point de produire du combustible (nucléaire) », a déclaré Khatami, soulignant que, dans ses négociations avec la troïka européenne, lIran avait proposé de limiter lenrichissement de luranium (activité quelle a, pour linstant, gelée) dans le cadre dune « phase pilote ». Le président iranien a ainsi expliqué : « Nous avons offert une proposition détaillée aux Européens qui lexaminent. Il sagit dune proposition avec plusieurs étapes. Mais nous allons certainement continuer lenrichissement. »
engagement de liran
Cest à lété 2002, après de longs mois de suspicion, que lAIEA (Agence Internationale de lénergie atomique) place le programme iranien sous haute surveillance. De fait, Téhéran a « omis » de déclarer lachat de matériaux nucléaires ainsi que lexistence de plusieurs sites. Doù la propension de certains à accuser le pays de mensonge lorsquil affirme que son programme nucléaire est destiné uniquement à des fins civiles. Trois pays européens, la France, la Grande-Bretagne et lAllemagne, prennent alors une initiative diplomatique visant à engager le dialogue, alors que les États-Unis place lIran dans leur « axe du mal ». En 2003, lIran sengage à « suspendre toutes les activités denrichissement et de retraitement de luranium », ce qui ne lempêche pas dutiliser les failles sémantiques de laccord pour construire des centrifugeuses capables denrichir luranium. Un an et quelques crises diplomatiques plus tard commencent des négociations sur « le long terme », visant à rendre impossible lutilisation militaire du programme iranien, ainsi que sur « une coopération technologique et économique », assortie « dengagements fermes sur les questions sécuritaires ». Cest cette phase qui est actuellement en cours.
assurer sa sécurité
LAIEA na, pour linstant, décelé aucun élément permettant daffirmer que lIran possède larme nucléaire. Une commission présidentielle américaine enquêtant sur les armes de destruction massive (ADM) critique dailleurs sévèrement les performances des agences américaines de renseignement (dont la CIA) en Iran, en Corée du Nord, en Libye ainsi que leur incapacité à déterminer ce qui a mal fonctionné en Irak. Ce qui nempêche pas Bush de brandir la menace dune intervention.
Le Pentagone na jamais démenti les affirmations du New Yorker, le 24 janvier, indiquant que les États-Unis « ont envoyé des missions de reconnaissances en Iran » pour préparer une éventuelle attaque. Or la seule manière despérer un changement dattitude de la part de lIran est bien que sa sécurité soit garantie. Après le 11 septembre 2001, Téhéran avait coopéré avec Washington contre les taliban. Mais Israël – qui détient larme nucléaire au mépris de toutes conventions sans quaucune sanction nait jamais été prise contre lui – sest fait fort de briser tous les liens.
Prudent cependant quant à lutilisation de la force contre lIran, les États-Unis laissent linitiative aux Européens sans rien faire pour concrétiser une quelconque détente. Comme le soulignait El-Baradeï dans une interview au magazine allemand der Spiegel en février : « Les Iraniens sont clairement intéressés par une plus grande sécurité militaire, une aide économique et un transfert de technologies. Il est difficile dimaginer une quelconque avancée dans ces domaines sans Washington. Téhéran veut faire partie de lOrganisation mondiale du commerce (OMC), mais cela dépend des États-Unis qui imposent depuis déjà des années un embargo commercial au pays. »
Pierre Barbancey