Le Figaro, 5 avril – L’Iran doté de l’arme nucléaire ? La question planera sur la visite du président Khatami. La France fait partie, avec l’Allemagne et la Grande-Bretagne, de la «troïka» qui négocie depuis 2003 avec Téhéran. Les Européens soupçonnent l’Iran de fabriquer l’arme nucléaire. L’Iran nie, affirmant que ses efforts industriels sont uniquement destinés à mettre en place une filière de nucléaire civil.
La polémique vient de rebondir avec de nouvelles affirmations d’un groupe opposant en exil, le Conseil national de la résistance iranienne (CNRI), qui a évidemment choisi son moment. Selon le groupe, qui dit s’appuyer sur un réseau d’informateurs à l’intérieur du pays, le «Guide suprême de la révolution», Ali Khamenei, aurait «débloqué 2,5 milliards de dollars pour acheter trois ogives nucléaires». Une information qui laisse sceptique Bruno Tertrais, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) : «Il ne faut pas y accorder trop de crédit. Ce genre de rumeur refait surface régulièrement, sans qu’on puisse en apporter la preuve.»
Le CNRI, qui a bâti sa crédibilité en dévoilant les sites incriminés dans des activités militaires suspectes, assure également que l’Iran devrait être capable de produire «de 8 à 10 kilos de plutonium» en 2007.
Deux matières fissiles peuvent «nourrir» une bombe : l’uranium enrichi ou le plutonium. Il faut environ 5 kilos de plutonium par bombe atomique. Selon le CNRI, le gouvernement iranien a accéléré la construction des deux installations nécessaires à la fabrication du plutonium : des unités de production d’eau lourde, qui doivent alimenter un réacteur de 40 mégawatts.
Ces deux éléments, construits sur le site d’Arak, sont déjà connus. Mais selon les informations du CNRI, ils sont plus avancés que le gouvernement iranien ne veut le laisser paraître, et ce malgré les inspections régulières de l’AIEA : «Deux unités de production d’eau lourde sont déjà en fonction. Lorsque la troisième sera terminée, le complexe augmentera sa production de 8 à 16 tonnes, et la densité de l’eau lourde passera de 15 à 99,8%», affirme Mohammad Mohaddessine, chargé de la commission des affaires étrangères du CNRI.
Le réacteur, pour sa part, serait lui aussi en voie d’achèvement. «Sa programmation est prévue en réalité pour 2007, et non 2014», ajoute-t-il.
Ces informations paraissent vraisemblables, selon Bruno Tertrais : «Le régime iranien lui-même a annoncé il y a quelques mois que l’entrée en fonction de l’usine d’eau lourde était imminente, dit le chercheur. Le réacteur d’Arak sera d’ailleurs considéré comme capable de produire un plutonium militaire de très bonne qualité.»
Pour le chercheur, le gouvernement iranien veut «accélérer la filière eau lourde, qui était la moins développée». Le but stratégique du régime de Téhéran reste pour lui ambigu : «Plus le travail avancera, plus le prix d’une éventuelle renonciation sera élevé. La partie de poker est de plus en plus intense.»