
Par Dominique Hollard
Cela fait à peine quelques semaines que le régime des mollahs de Téhéran est redevenu fréquentable pour la communauté internationale que, poussant son avantage avec un cynisme impitoyable, la théocratie iranienne organise contre son opposition démocratique une attaque aussi criminelle que meurtrière en terre étrangère.
Le Camp Liberty, au nord-est de Bagdad, a été frappé jeudi 29 octobre par une pluie de 80 roquettes de différents types. On dénombre au moins 23 morts, dont une femme, et plusieurs dizaines de blessés graves, sans compter des millions d’euros de destructions de biens matériels. Ce camp abrite environ 2250 exilés iraniens sans armes, membres de l’Organisation des Moudjahidines du Peuple d’Iran (OMPI) placés sous la responsabilité officielle de l’ONU. Cette attaque sanglante contre des réfugiés désarmés viole nombre de conventions internationales et, en premier lieu, le mémorandum signé le 25 décembre 2011 entre le gouvernement irakien et l’ONU.
Ce crime, qui est d’abord un défi lancé à l’opinion internationale, n’est pourtant pas une surprise. Les malheureux résidents de Liberty avaient déjà connu dans ce lieu, comme précédemment dans le vaste camp d’Achraf où ils demeuraient, toutes sortes d’agressions et de violences, allant de la privation de nourriture et de médicaments, aux vols de leurs biens, aux meurtres délibérés perpétrés par des agents de la police politique et des forces spéciales du régime iranien. Comment une telle situation est-elle possible en 2015 ?
Elle tient d’abord au fait que l’Irak n’a plus d’existence que sur le papier, miné par les luttes de factions, les affrontements confessionnels, la déliquescence de l’État et l’action délétère de Daesch. Si ce dernier obsède les médias occidentaux, les Irakiens sont pourtant soumis à bien d’autres souffrances occasionnées par les menées des milices qui soutiennent le gouvernement de Bagdad, lui-même largement noyauté et manipulé par les consignes venues de Téhéran.
Pour cette raison, la résistance iranienne et ses soutiens, avaient alerté à de nombreuses reprises ces derniers mois l’ONU, les États-Unis et l’Union Européenne, contre le risque croissant d’une agression envers Liberty dans la foulée des accords sur le nucléaire. C’est ce qui vient de se produire avec la complicité agissante de Bagdad. En effet, après les tirs de roquettes, non seulement le gouvernement irakien n’a pas aidé les rescapés du Camp Liberty à répondre à leurs besoins immédiats, mais le Comité Gouvernemental chargé de contrôler le camp en a intensifié le siège en bloquant l’entrée de denrées alimentaires, d’objets de première nécessité pour étanchéifier les toits des abris endommagés et de câbles électriques pour reconnecter les lieux dont l’électricité a été coupée.
Face à une telle provocation, on peut hélas craindre que la réaction des puissances occidentales ne soit pas à la hauteur des enjeux. L’appât de contrats économiques juteux en cours de négociation et l’angoisse générée par le bourbier syrien, assurent aux assassins envoyés par les mollahs une impunité quasi-absolue. Tous les amis du peuple iranien doivent, comme l’on fait des élus français, exprimer leur solidarité avec les meurtris de Liberty, mais aussi rappeler inlassablement à nos dirigeants que les atermoiements et la faiblesse dont ils font consciemment preuve envers le régime théocratique se sont toujours, par le passé, soldés par un surcroît de violence et de désordre, l’entretien du chaos étant au cœur même de la stratégie de tension à laquelle la dictature religieuse a lié sa survie.