Dna.fr: Par Christian Bach – En Iran, les journalistes ont dû passer sous les fourches caudines et la presse est muselée. Aujourd’hui, la liberté d’expression s’est repliée sur l’Internet mobile et le téléphone portable.
Au cinéma L’Odyssée à Strasbourg, où les Assises du journalisme ont invité jeudi des journalistes et des blogueurs iraniens en exil, Alireza Rezaee brandit un téléphone portable : « C’est avec ça que j’ai travaillé avant de quitter mon pays il y a dix mois, à travers la montagne, de nuit ». Comme des dizaines d’autres journalistes, Alireza Rezaee qui a tenu un blog pendant deux ans a fui.
25 journalistes en prison
Après un intermède durant lequel la presse a pu prospérer, après l’élection de Khatami en 1997, la liberté d’expression a de nouveau perdu du terrain à l’arrivée du président Ahmadinejad. Les interdictions de journaux se sont multipliées. Ceux qui ont subsisté doivent faire preuve d’une totale allégeance au pouvoir islamique. Internet a été placé sous contrôle, notamment par la limitation de la vitesse de téléchargement (obstacle à l’échange de photos et de vidéos) et les autorités imposent aux fournisseurs d’accès un strict contrôle des contenus.
Selon les chiffres divulgués à Strasbourg, 25 journalistes sont emprisonnés en Iran, plus de 240 jugements ont été rendus contre des journalistes ou des blogueurs depuis juin 2009. La majorité d’entre eux sont libres, dans l’attente d’un nouveau procès en appel, mais ont écopé d’une interdiction d’exercer leur métier pendant plusieurs années, pendant 30 ans pour les moins chanceux.
Dans un pays où les journaux, des plus anciens – notamment Keyhan qui est aujourd’hui la « voix du Guide suprême » – aux plus récents doivent respecter les principes islamiques, où toute critique gouvernementale est considérée comme une entorse à cette règle, les journalistes n’ont plus d’autre choix que de se soumettre. S’ils refusent d’exercer dans des médias placés sous contrôle, ils n’ont d’autre alternative que la misère et l’exil.
Le « mouvement vert » (juin 2009), considéré comme la plus forte contestation depuis 1979, a été étouffé dans le sang et a inauguré une nouvelle ère de répression. « L’expression même de « mouvement vert » est interdite. Tout cela est tellement délicat que le travail de journaliste me fait penser à celui d’un démineur », témoigne un exilé.
60 000 blogs actifs en 2008
Internet était devenu un refuge où les journalistes s’exprimaient souvent sous un pseudonyme. Le taux de pénétration du média numérique a connu la progression la plus forte d’Asie centrale et l’on compte aujourd’hui 40 millions d’internautes (55% de la population), affirme Christophe Ginisty, président d’Internet sans frontières. Quelque 60 000 blogs actifs étaient recensés en 2008. « Mais l’Iran a conçu dès le début un réseau Internet entièrement sous surveillance ».