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Iran : une élection sous le signe de l’économie

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REUTERS: L’élection présidentielle en Iran tourne autour d’un thème central, l’économie, durement touchée par les sanctions internationales et la gestion du pays par Mahmoud Ahmadinejad, que les candidats en lice vendredi s’accordent à juger calamiteuse.

Confrontés à une inflation galopante et à un pouvoir d’achat  en berne, les Iraniens votent dans un climat économique bien plus morose qu’en 2009, lorsque le scrutin présidentiel avait été suivi d’un vaste mouvement de contestation dans la rue contre la réélection jugée frauduleuse de Mahmoud Ahmadinejad.

« Avec l’inflation et le chômage dans une spirale ascendante, la principale préoccupation des électeurs, c’est de se procurer de quoi manger », avance le spécialiste de l’Iran basé en Grande-Bretagne Mohammad Shabani. « L’Iranien moyen est maintenant âgé de 38 ans et il aspire avant tout à s’assurer de quoi vivre. »

Mahmoud Ahmadinejad ne peut pas se représenter, et les candidats sélectionnés par le Conseil des gardiens, un corps fidèle au guide suprême de la Révolution islamique, l’ayatollah Ali Khamenei, rivalisent de critiques envers la politique menée par le président sortant. « Le gouvernement est comme une voiture cabossée et il est essentiel de supprimer tous les obstacles qui entravent sa progression », a déclaré en mai l’un d’eux, Saeed Jalili, principal négociateur de l’Iran sur les questions nucléaires.

Dans une publicité télévisée de campagne, un ancien chef des gardiens de la révolution, Mohsen Rezaie, affirme pour sa part : « Notre pays est l’un des plus puissants de la région et nos missiles peuvent être tirés à des milliers de kilomètres et pourtant nous manquons de poulet. »

En raison de son programme nucléaire, l’Iran est frappé par des sanctions décidées par les Nations unies, auxquelles s’ajoutent des mesures prises par les États-Unis et l’Union européenne, en particulier contre ses secteurs bancaire et pétrolier.

 

« Tous les signaux sont au rouge »

Les revenus pétroliers de l’Iran ont quasiment diminué de moitié en 2012, à environ 50-60 milliards de dollars, et ses banques sont en grande partie coupées des circuits financiers internationaux, ce qui perturbe les échanges commerciaux.

En conséquence, la monnaie iranienne, le rial, a plongé face aux devises étrangères, provoquant inflation et chômage.

 En un an, les prix des biens courants ont triplé. D’après les statistiques officielles, le taux de chômage est d’environ 12 %, le double chez les jeunes. Les observateurs indépendants pensent que la réalité est bien pire. « C’est ridicule. Avant, je n’avais jamais besoin de réfléchir avant d’acheter des fruits ou de faire mes courses, mais maintenant, même les gens de la classe moyenne doivent faire attention », s’insurge une mère au foyer de 37 ans vivant à Téhéran, Azin.

Cette inflation est aussi un souci pour les entrepreneurs. « Nous produisons de temps en temps pour payer nos employés, mais c’est la seule raison. On n’a pas assez d’argent pour maintenir notre activité, c’est juste une question de survie », dit un éleveur de volailles, dont les affaires ne fonctionnent plus qu’en pointillés depuis deux mois.

À cause de la baisse des ventes, Ali a récemment perdu son emploi dans un magasin d’informatique à Téhéran. Comme il parle couramment anglais et possède des compétences en programmation, il a décroché un contrat de deux mois pour travailler à distance pour une société canadienne. À 28 ans, il souhaite émigrer. « Pour le moment, je travaille en libéral pour l’étranger […]. Je préfère faire du travail sous-payé en dollar que de perdre mon temps à travailler pour une société iranienne », écrit-il dans un courriel.

Pour Mehrdad Emadi, économiste d’origine iranienne travaillant pour Betamatrix, groupe de consultants basé en Grande-Bretagne, « tous les signaux sont au rouge et le pays est en train de s’effondrer mais de manière progressive, cela ne se produit pas d’un seul coup ».

 

Soutien contesté à Assad

L’Iran conserve tout de même deux grands clients pour son pétrole brut, la Chine et l’Inde. Il doit toutefois accepter d’être payé en biens ou en produits divers plutôt qu’en devises. « À la place de l’argent, les Chinois disent « prenez des biens » et ensuite ils disent « pas n’importe lesquels, mais ceux que nous désignons » », a récemment déclaré l’ancien président Akbar Hashemi Rafsanjani au cours d’une conversation privée rendue publique par le site d’opposition Kaleme.

« L’Inde achète désormais notre pétrole très peu cher et il n’accepte même pas de payer en roupies », a-t-il ajouté, au lendemain du rejet de sa candidature par le conseil des gardiens.

En raison du rationnement de l’accès aux dollars gouvernementaux, le secteur automobile, qui représente 10 % du PIB, ne peut plus investir dans des équipements indispensables, disent des responsables cités par les médias iraniens. D’après des statistiques récentes, la production est tombée à 50 % des capacités.

Malgré ses difficultés économiques, la République islamique fournit un important soutien financier à Bachar Al-Assad afin de défendre ce qu’elle considère comme ses intérêts stratégiques en Syrie voisine.

En octobre, les commerçants du Grand Bazar de Téhéran avaient fermé leurs boutiques et participé à des manifestations spontanées pour dénoncer la politique du gouvernement et le soutien au président syrien, difficile à chiffrer exactement.

Comme la politique étrangère est du ressort exclusif du guide suprême, le prochain président, quel qu’il soit, n’aura toutefois pas son mot à dire sur la Syrie.

« La question n’est pas de savoir qui sera le prochain président, mais si quelqu’un est en mesure de réussir malgré les sanctions, une mauvaise gestion générale et des carences structurelles profondément ancrées dans l’économie de l’Iran », juge le professeur assistant d’origine iranienne à la Clayton State University aux États-Unis, Ali Dadpay.

 

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