Le Temps (Suisse), 17 août Par Stéphane Bussard – «L’Iran n’a pas intérêt à voir l’Irak se stabiliser et se démocratiser. Car l’attention internationale se focaliserait sur son régime qui aurait beaucoup plus de peine à se maintenir.»
Membre de la Commission des affaires étrangères du Conseil national de la résistance iranienne (CNRI), Behzad Naziri dénonce l’influence croissante de l’Iran sur le gouvernement irakien et sur le pays confronté à de vifs combats intercommunautaires entre sunnites et chiites. Selon lui, deux milices, les brigades Badr et Mahdi, constituent les bras stratégiques de l’Iran, lui permettant de semer la discorde et d’accroître son emprise sur Bagdad.
«Les forces Badr sont une émanation des Gardiens de la révolution. L’Iran soutient même davantage ces forces que le Hezbollah puisqu’il leur verse des salaires.» Il y a quelques jours, l’ambassadeur américain en Irak, Zalmay Khalilzad, ne disait pas le contraire pour vivement critiquer la responsabilité de Téhéran dans le chaos irakien.
Behzad Naziri est en particulier préoccupé par le sort réservé aux 4000 Moudjahidin du peuple basés à Achraf au nord de Bagdad. Si l’Iran en demande l’expulsion ou l’extradition vers Téhéran, la pression sur les Moudjahidin s’accroît encore. Récemment, le premier ministre irakien, Nouri al-Maliki, a exigé l’expulsion des opposants iraniens auxquels il ne juge pas pertinent d’accorder le statut de réfugiés. Preuve des fortes divisions qui parcourent le gouvernement, le vice-premier ministre Salam al-Zubai estime au contraire que les opposants sont des civils protégés par la IVe Convention de Genève.
Conseiller juridique des Moudjahidin, l’avocat genevois Marc Henzelin est pourtant très clair: «Les Moudjahidin du peuple ne peuvent pas être extradés en Iran en vertu du principe de non-refoulement.» Le soutien aux 4000 opposants est aussi manifeste à Genève, où, depuis trois semaines, des Iraniens exilés tiennent un sit-in de soutien devant le Haut-Commissariat aux réfugiés.
Reste un paradoxe. Figurant toujours sur la liste d’organisations terroristes dressée par les Etats-Unis et l’Europe, les Moudjahidin ont désarmé, rendant leurs 2500 pièces d’artillerie et autres armes aux Américains en mars 2003. L’ex-président iranien Khatami s’était d’ailleurs basé sur cette classification pour exiger leur extradition.
Aujourd’hui, pacifiques, ils ont le soutien américain et semblent perturber davantage Téhéran par leurs actions légales et de nature démocratique. Mais ils pourraient payer cher la destruction par les agents iraniens de ses sources d’approvisionnement (eau et pétrole).