Le Monde.fr, 4 mars Par Marie-Claude Decamps – lors d’une conférence de presse, lundi 3 mars, au terme de sa visite de deux jours à Bagdad, le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, répétant que la présence de 158 000 soldats américains en Irak n’a « apporté que des destructions », a appelé « les troupes étrangères à retourner d’où elles sont venues ». Il a par ailleurs annoncé la signature de sept accords dans le domaine des assurances, des douanes, de l’industrie, de l’éducation et des transports, pour concrétiser la « nouvelle page » qu’il a indiqué vouloir ouvrir entre les deux voisins, opposés par une guerre meurtrière de 1980 à 1988.
Dans un communiqué, la présidence irakienne a conclu que les deux pays avaient « décidé d’assurer la sécurité à leurs frontières, afin de prévenir toute infiltration de terroristes ou de trafiquants ».
Au moment où le Conseil de sécurité des Nations unies vient d’adopter une troisième série de sanctions contre l’Iran, accusé de poursuivre un programme nucléaire militaire, le président iranien est en butte à de fortes critiques de l’opposition à l’approche des élections législatives du 14 mars. Ses détracteurs l’accusent d’avoir isolé le pays par son jusqu’au-boutisme qui effraye l’Occident et met mal à l’aise voisins et pays de la région.
Aussi ce voyage à Bagdad était-il le point d’orgue des efforts de M. Ahmadinejad pour montrer que l’Iran n’est pas isolé et qu’il est même le « leader » régional qui manque face aux Etats-Unis. Prenant acte de ce que la République islamique n’a pas réussi à exporter sa révolution, M. Ahmadinejad, jouant la carte d’une certaine « solidarité musulmane », a courtisé les pays arabes. Ces derniers comprennent que Washington ne sera pas un rempart sans faille pour les protéger d’un Iran nucléaire érigé en champion du chiisme. Et beaucoup craignent l’émergence d’un « croissant chiite » à travers leurs minorités.
Par l’intermédiaire du Hezbollah libanais qu’il parraine et finance, l’Iran s’est fait aussi le champion de la cause palestinienne. D’où ces diatribes contre Israël – cette « tumeur » qui doit « disparaître » – destinées « à l’exportation » (le mot est d’un diplomate iranien). Effort couronné de succès. En 2006, lors de la guerre entre le Hezbollah et Israël, M. Ahmadinejad, critiqué dans son pays, était dans les sondages le dirigeant le plus estimé derrière Hassan Nasrallah dans les capitales arabes. Le président iranien a été le premier à être convié, récemment, au sommet du Conseil de coopération du Golfe à Doha. Et le premier à se rendre, invité par les Saoudiens, en pèlerin à La Mecque. On a vu ensuite M. Ahmadinejad dans les Emirats arabes unis. Fin janvier, son ministre des affaires étrangères, Manouchehr Mottaki, annonçait que l’Iran et l’Egypte allaient renouer des liens. Une visite du président iranien est possible.
Enfin dernière initiative, plus large, M. Ahmadinejad anime un « front du refus » anti-américain. N’a-t-il pas multiplié les alliances avec des pays aussi disparates que Cuba, le Venezuela d’Hugo Chavez, la Bolivie d’Evo Morales ou la Biélorussie avec laquelle l’Iran a signé en 2007 un pacte de défense ?