AFP: Par Sélim SAHEB ETTABA et Philippe AGRET – Le dirigeant palestinien Mahmoud Abbas a tiré vendredi un trait sur sa proposition lancée il y a un mois de venir à Gaza sceller la réconciliation, incriminant l’influence de l’Iran sur les chefs du Hamas en exil, dans une interview exclusive à l’AFP.
« Jusqu’à présent, le Hamas refuse de répondre oui ou non à cette initiative », a déploré M. Abbas, en référence à sa proposition de se rendre dans la bande de Gaza, contrôlée par le mouvement islamiste Hamas, « pour mettre fin à la division » et former un gouvernement de personnalités indépendantes pour préparer des élections dans les six mois.
« Je veux aller à Gaza ! Mais ils ne veulent pas que j’y aille », a déclaré M. Abbas dans cette interview au siège de la présidence à Ramallah (Cisjordanie).
Le président de l’Autorité palestinienne s’était dit le 16 mars (bien: 16 mars) « prêt à aller demain à Gaza », répondant à une invitation lancée la veille par le chef du gouvernement du Hamas, Ismaïl Haniyeh.
Ce dernier avait convié à Gaza Mahmoud Abbas et son mouvement, le Fatah (laïque) pour « un dialogue national global direct en vue de parvenir à la réconciliation », lors d’une journée de manifestations de dizaines de milliers de Palestiniens pour la « fin de la division » entre les deux camps.
« S’ils sont divisés, ils ont une décision qui vient de l’Iran », a répondu M. Abbas, interrogé sur d’éventuelles dissensions à ce sujet entre le gouvernement Hamas à Gaza et la direction politique du mouvement installée à Damas.
« L’Iran leur donne instruction de faire ceci ou cela et ils obéissent à ces instructions en échange de l’argent qu’ils en reçoivent », a-t-il accusé.
« La direction est à Damas avec Khaled Mechaal (le chef en exil du mouvement islamiste) et c’est lui qui reçoit l’argent et le distribue à sa guise », a ajouté M. Abbas.
« Pour cette raison, il l’utilise comme une arme et il a la haute main, c’est à lui que revient le droit de dire oui ou non », a poursuivi le dirigeant palestinien.
Bien qu’ils aient assuré accueillir favorablement les intentions de M. Abbas, les chefs du Hamas ne l’ont pas acceptée telle quelle, considérant notamment que la réconciliation devait précéder la formation d’un gouvernement d’union ou la convocation d’élections.
Malgré de nombreuses rencontres préparatoires, notamment la réception le 26 mars à Ramallah par M. Abbas de représentants du Hamas en Cisjordanie, et des missions de bons offices de la Turquie et de l’Egypte, cette offre est restée lettre morte.
« Peu m’importent les divisions qui peuvent exister au sein du Hamas, ce qui compte c’est la position officielle », a souligné dans un entretien avec l’AFP un haut responsable du Fatah, Azzam al-Ahmad, chargé des négociations sur la réconciliation.
« La personnalité la plus faible au sein du Hamas est Ismaïl Haniyeh », a-t-il estimé, affirmant que « la direction militaire du Hamas à Gaza avait détruit la décision » du chef du gouvernement d’inviter M. Abbas.
« Lorsque Ismaïl Haniyeh a invité Abou Mazen (Mahmoud Abbas, ndlr) à Gaza, le lendemain Ahmad Jaabari (chef de la branche armée du Hamas, ndlr) est allé voir son fils, Houmam Haniyeh, qui est responsable de sa sécurité personnelle, et lui a carrément dit: +J’inviterais plutôt Israël à réoccuper la bande de Gaza que de laisser Abou Mazen y mettre les pieds+ », a raconté Azzam al-Ahmad.
Le Fatah et le Hamas, à couteaux tirés depuis la prise de contrôle de la bande de Gaza par le mouvement islamiste en juin 2007, sont engagés depuis plus d’un an dans un processus de réconciliation jusqu’à présent infructueux.