KABOUL, 17 avr 2012 (AFP) – Le photographe de l’Agence France-Presse (AFP) Massoud Hossaini, récompensé lundi par le prix Pulitzer pour la photo d’une fillette en pleurs après un attentat suicide à Kaboul, est un enfant de la guerre qui n’a connu que l’exil et le fracas des armes.
Il naît à Kaboul le 10 décembre 1981. Le même jour, à Oslo, le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) reçoit le prix Nobel de la paix.
Six mois plus tard, l’Histoire donnera tout son sens à ce hasard du calendrier: Massoud et sa famille sont contraints à l’exode vers l’Iran, comme le seront des millions d’Afghans, après l’arrestation de son père par le régime communiste installé depuis l’invasion soviétique en 1979.
Massoud Hossaini porte sur son existence un regard empreint d’humour et de dérision. Sur son compte Twitter, il écrit: « Je suis né au mauvais endroit, l’Afghanistan, j’ai grandi au mauvais endroit, l’Iran, (et) je vis au mauvais endroit, Kaboul. J’attends de voir ce que l’avenir me réserve ».
En Iran, il milite avec les réformateurs et décide de devenir photographe. Il se rend à Mashhad, la grande ville du nord, près de la frontière avec le Turkménistan –alors république socialiste–, pour photographier ses compatriotes exilés.
Après les attentats du 11 Septembre aux Etats-Unis et le renversement des talibans en Afghanistan, il quitte la république islamiste et retourne dans son pays. Il a vingt ans.
Déterminé à suivre sa vocation, il étudie dans une ONG de formation des médias dirigée par le photojournaliste franco-iranien Reza Deghati, primé à de multiples reprises pour son travail.
En 2007, il entre à l’AFP après un stage auprès du reporter-photographe Manoocher Deghati, frère de Reza et récipiendaire lui aussi des prix les plus prestigieux.
Quelques années plus tard, alors qu’il vient de fêter ses trente ans, ses pairs décernent à Massoud la plus haute distinction, le Pulitzer. Une première pour l’AFP.
Le prix récompense le cliché saisissant d’une fillette en pleurs au milieu de corps ensanglantés après un attentat suicide visant une procession chiite le 6 décembre dernier à Kaboul.
Près de 70 morts sont dénombrés. Il s’agit de l’attentat le plus meurtrier en Afghanistan depuis celui perpétré contre l’ambassade d’Inde en juillet 2008.
Hossaini se trouve à quelques dizaines de mètres de la déflagration. Aussitôt, il comprend. Et sait qu’il doit photographier le carnage, témoigner, dire au monde les horreurs de la guerre.
« Les gens s’enfuyaient et moi je courais dans le sens inverse (…). J’ai vu une fillette d’une douzaine d’années, Tarana, totalement en sang, elle ne savait pas quoi faire (…) elle pleurait beaucoup ».
Le Pulitzer est aussi un prix du sang pour Massoud à qui la tragédie de son pays apporte une gloire au goût amer et ravive une mémoire meurtrie.
La photo, « je ne la regarde plus parce que mon coeur bat plus vite et me ramène à mes émotions ce jour-là », dit-il.
« Cela représente plus qu’une récompense, parce que je sais que je suis devenu le porte-voix des Afghans, de ceux qui ont perdu la vie dans cet attentat suicide et pour toutes les victimes de la guerre ».
« Avant, j’étais juste un photographe et eux des gens, des sujets (…). Désormais, tout ce qui les affecte m’affecte aussi ».