Iran Focus, Téhéran, 31 mai « Ils ont incendié des pneus et ils ont encore barré lancienne route de Karadj », sexclame Mohammad-Ali, un retraité, avec une lueur dadmiration dans les yeux.
« Ils », ce sont les employés de lentreprise Bahman Plastique, qui nont pas été payés depuis onze mois et qui nen peuvent plus. Alors ils ont bloqué la route qui passe juste devant lentrée de lentreprise. « Les autorités se fichent totalement de ce qui nous arrivent, ça suffit ! », lâche Saleh, père de cinq enfants, qui ne sait plus comment nourrir sa famille. « Non seulement je fournis ma force de travail, mais en plus je dois aussi fournir le salaire ! Cest pire que de lesclavage ! » poursuit-il, excédé.
La protestation aura tenu jusquà larrivée des forces de sécurité qui débarquent matraques à la main. Le commandant du commissariat 119 empoigne le mégaphone pour appeler la foule à se disperser. « Vous êtes à peine une centaine ! », les sifflets fusent de la foule qui doit en faire le double. « Je peux facilement vous briser. Cest vrai que onze mois sans salaire cest un bon prétexte pour protester, ça se comprend ! Mais vous devez respecter la loi ! »
«Le respect de la loi, cest justement ce quon demande des autorités, lance un ouvrier en colère. Pourquoi on ne vous voit jamais le jour de la paye, quand on ne nous verse pas notre salaire pour arrêter le patron ? » Les cris dapprobation montent dans la foule et la tension dun cran. A bout dargument, lofficier lance : « Il arrive que quelquun ne soit pas musulman mais soit patron. Et il y en a qui ne sont ni musulmans, ni capables dêtre patron et ce sont eux qui créent tous les problèmes pour les ouvriers du pays ! » (sic)
Un homme savance, très calme et plante son regard dans celui de lofficier. Ali, 35 ans, est père de quatre filles scolarisées. « Vous ne savez ce que cest de vivre onze mois sans salaire. Ma femme a été chercher notre fille à lécole, où il y avait une fête et on lui a demandé de largent pour les gâteaux. Comme elle a eu honte de dire quon nen avait pas, elle a laissé son alliance en gage et elle ne pourra jamais retourner la chercher. »
« Mais bon sang pourquoi personne ne nous écoute, personne ne fait rien pour nous, hurle Hamid, la cinquantaine usée, à ladresse de lofficier. Ca fait huit mois que je nai rien reçu et eux ça fait onze mois, mais on nest pas des bêtes. Si vous ne nous croyez pas, faites donc une enquête ! »
Au bout dune heure de discussion, les ouvriers acceptent de déléguer deux dentre eux au gouvernorat pour savoir où en sont les choses, sans grand espoir de les voir avancer.