The Wall Street Journal, Washington, 13 juin – Tandis que le président Bush envisage la possibilité de négociations avec lIran portant sur la non-prolifération, il court à peu près les mêmes risques en faisant cela que ladministration Clinton avec la Corée du Nord.
M. Bush et ses hauts conseillers critiquaient il y a cinq ans les tactiques de négociation de léquipe Clinton avec le régime de Pyongyang, avançant que les Etats despotiques étaient des partenaires de négociation instables et indignes de confiance. Les craintes de la Maison Blanche à propos de Pyongyang demeurent car, daprès les dirigeants américains, il semblerait que la Corée du Nord sapprête à tester un missile à longue portée.
Désormais, léquipe de Bush a ouvert la voie à la possibilité de mener des négociations similaires avec lIran, non des discussions directes, mais dans le cadre dun dialogue international déjà entamé par les alliés européens de lAmérique. En effet, ces pourparlers pourraient finalement mener à un accord comme celui auquel est parvenue ladministration Clinton avec la Corée du Nord.
Les raisons dun changement aussi radical dans la politique étrangère de Bush en dit long sur les problèmes rencontrés par ladministration pendant son premier mandat en essayant de contenir aussi bien Pyongyang que Téhéran, selon danciens et actuels diplomates américains.
Un grand nombre dexperts de la contre prolifération soutiennent cette approche évolutive des Etats-Unis, avançant quelle est plus réaliste et potentiellement plus durable que le refus de mener des négociations directes. Ils considèrent également le revirement diplomatique de la Maison Blanche comme la reconnaissance non déclarée des limites de la puissance unilatérale américaine.
« Ils étaient dans le bunker de la Maison Blanche, pensant que finalement ces pays allaient succomber à notre pouvoir », a déclaré George Perkovich, expert de la contre prolifération au Carnegie Endowment for International Peace, think tank basé à Washington. « Mais il savère que nous ne pouvons rien faire seuls. »
Ces dernières semaines, les dirigeants américains ont annoncé que des satellites espions américains avaient pris des images de la Corée du Nord indiquant que Pyongyang se préparait à tester le lancement de son missile à longue portée, le Taepo Dong-2, qui selon les services de renseignement américains a la capacité de toucher le territoire américain. Un lancement serait considéré comme une tentative par le leader de la Corée du Nord, Kim Jong II, darracher plus davantages à Washington en échange du démantèlement par Pyongyang de ses systèmes darmes.
Avant les attentats du 11 septembre 2001 dal-Qaïda contre les USA, le programme nucléaire de la Corée du Nord faisait partie des priorités en matière de politique étrangère de ladministration Bush. Le président Clinton avait conclu un accord avec Pyongyang pendant son premier mandat, par lequel la Corée du Nord acceptait dabandonner sa capacité de production de combustible nucléaire en échange de ce qui a été décrit comme des réacteurs nucléaires à eau légère anti-prolifération. LAgreed Framework (accord-cadre), tel quil a été baptisé, promettait aussi des avantages économiques à Pyongyang et une normalisation graduelle des relations entre les USA et la Corée du Nord.
Ladministration Bush, depuis ses premiers jours, a défié les termes de laccord de Clinton de 1994. En 2001, la Maison Blanche a tenté délargir laccord, invoquant la nécessité de discuter des droits humains et des forces militaires conventionnelles de la Corée du Nord si les relations devaient se normaliser entre Washington et Pyongyang. Ils ont également remis en question létendue de la surveillance de la communauté internationale à lintérieur de la Corée du Nord par lintermédiaire de lAgence internationale de lEnergie atomique des Nations Unies.
Finalement, laccord-cadre tout entier a été rompu en 2002 après que les diplomates coréens aient avoué à une délégation américaine quils avaient triché en cherchant à développer une source de combustible nucléaire parallèle. La rupture du contrat a inauguré presque quatre ans de nouveaux pourparlers entre les USA, la Corée du Nord et quatre autres puissances régionales, afin de tenter de parvenir à un marché plus complet.
Aucun nouvel accord na été conclu avec le gouvernement de Pyongyang. Les tentatives répétées des Etats-Unis de ramener Pyongyang à la table des négociations sont restées jusquà maintenant infructueuses. Le lancement dun missile nord-coréen pourrait intensifier les tensions de manière significative.
Les experts de la contre prolifération affirment que la Maison Blanche pourrait finalement accepter de sengager dans une structure multipartite similaire dans ses négociations avec lIran, bien que ses membres seraient différents.
Beaucoup danciens et actuels membres de ladministration Bush disent aussi que les discussions avec lIran pourraient très bien déboucher sur un accord rappelant laccord-cadre original. La semaine dernière, Javier Solana, chef de la politique étrangère de lUnion Européenne, a présenté à Téhéran une liste davantages que les Etats-Unis et le Conseil de Sécurité de lONU appliqueraient si lIran acceptait de geler son programme nucléaire. Parmi ces avantages, on peut trouver des réacteurs nucléaires à eau légère et des garanties dapprovisionnement en combustible ainsi quune liste davantages économiques qui comprend la levée de lembargo sur la vente de pièces davion à Téhéran et leur appui pour que lIran puisse rejoindre lOrganisation Mondiale du Commerce.
Les Etats-Unis nont pas proposé de normaliser les relations avec lIran. Mais la Maison Blanche a bien promis de tout faire pour établir un cadre de sécurité au Moyen Orient, qui pourrait apaiser certaines des inquiétudes de lIran à propos de la présence militaire de lAmérique dans la région.
Le gouvernement dIran dit quil étudie le paquet offert par les Etats-Unis et ses partenaires mais na donné aucune date pour sa réponse. Le négociateur nucléaire en chef iranien, Ali Larijani, a déclaré la semaine dernière que Téhéran était disposé à négocier mais que le pays maintenait son droit au développement de technologies denrichissement duranium.
« Cest léquivalent au Moyen Orient de laccord-cadre, offrant essentiellement des avantages économiques en échange dun certain comportement à propos dun programme nucléaire », a affirmé Richard Haass, qui était directeur de la planification des politiques au département dEtat pendant le premier mandat de Bush. « Cest structurellement très similaire » à ce qui a été proposé à la Corée du Nord.
Les diplomates américains soccupant de la question iranienne disent quil y a beaucoup de raisons pour que les négociations avec Téhéran savèrent plus productives que celles avec la Corée du Nord. Dabord, ils avancent que lIran craint dêtre isolé dun point de vue économique sil ne parvient pas à un accord avec les USA et ses partenaires. Tandis que Pyongyang, disent-ils, semble convoiter son statut de paria international, lIran paraît vouloir sintégrer économiquement afin dapaiser une population jeune et en pleine croissance.
Ils soulignent de plus que tout accord formel conclu entre la communauté internationale et Téhéran serait beaucoup plus facile à vérifier.
Cependant, beaucoup au sein de la communauté de la contre prolifération craignent que Téhéran se prépare essentiellement à reproduire les efforts de la Corée du Nord pour faire patienter la communauté internationale. Ils affirment que si Téhéran refuse de se soumettre aux requêtes de lOccident de geler ses programmes denrichissement duranium, alors la Chine et la Russie naccepteraient probablement toujours pas dapprouver des mesures coercitives.
« Les Iraniens ne pensent pas que la situation dans laquelle se trouve la Corée du Nord est mauvaise », selon henry Sokolski du Nonproliferation Education Policy Center à Washington. « Ils nont pas été sanctionnés du tout » et continuent de refuser de se soumettre.